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Comment Romelu Lukaku a conquis Chelsea

En quelques semaines à Chelsea, Romelu Lukaku a déjà trouvé le temps de se montrer d’une précision chirugicale dans la surface et de dépasser Didier Drogba en termes de buts. Il ne reste plus qu’à remporter des titres…

Dans le petit monde du football britannique, tout le monde ou presque a évoqué les similitudes entre Didier Drogba et Romelu Lukaku à la pointe de l’attaque de Chelsea. Niveau buts, le Diable rouge a déjà dépassé son ancienne idole en Premier League. C’était même déjà fait avant qu’il ne revienne à Londres cet été. Tout comme Lukaku, Drogba a joué durant deux périodes différentes pour Chelsea. Il a définitivement tourné le dos à la Premier League lors de l’été 2015. Son compteur affichait alors 104 buts. Lorsque Romelu a quitté Manchester United en 2019 pour rejoindre l’Inter, il en avait déjà inscrit 113.

Drogba était capable de marquer dans toutes les positions, Romelu peut le faire aussi. »

Graeme Souness

La grande différence entre les deux joueurs, c’est leur palmarès en Angleterre. C’est précisément ce qui fait de Drogba une légende, bien plus que Big Rom. L’Ivoirien a été quatre fois champion, a remporté quatre FA Cups et une Ligue des Champions. Lukaku a certes été sacré champion avec Anderlecht et l’Inter, mais son palmarès anglais reste vierge. Théoriquement, ses victoires en Ligue des Champions et en FA Cup 2012 pourraient aussi être comptabilisées, mais cette saison-là, Lukaku n’avait joué que deux minutes durant toute la campagne de Cup (lors du premier match, à domicile contre Portsmouth) et pas la moindre minute en Ligue des Champions. Il avait même refusé de soulever le trophée, à l’époque. « Je n’ai rien gagné, ce trophée revient à l’équipe », avait-il déclaré.

Le 22 août de cette année, lorsque Lukaku a entamé le deuxième chapitre de son histoire avec Chelsea lors d’un match en déplacement à Arsenal, les comparaisons avec Drogba étaient toujours d’actualité. Graeme Souness est l’un des consultants qui a tiré des parallèles très clairs. « À mes yeux, il est même potentiellement supérieur à Drogba », a confié l’Écossais au journal The Times. « Romelu est prêt à devenir le grand avant-centre qui a tant manqué à Chelsea depuis le (premier) départ de Didier en 2012. » Selon Souness, Lukaku a toutes les qualités que doit posséder un attaquant de pointe. « Drogba était capable de marquer dans toutes les positions, Romelu peut le faire aussi », dit-il. « Il est capable de foncer vers le but avec un adversaire à ses côtés et de remporter le duel, mais il peut aussi reprendre le ballon de la tête au second poteau, ou devancer son défenseur au premier poteau. Et avec sa puissance et sa mentalité de vainqueur, il sort souvent gagnant des duels, là où des attaquants moins costauds doivent s’avouer vaincus. Lukaku est le genre d’attaquant que les défenseurs n’aiment pas avoir dans leurs parages. Les attaquants de sa taille et de son envergure sont souvent statiques, et jouent dos au but. Pas Romelu: il est plus puissant et plus rapide que la plupart des défenseurs, qui ne sont pas habitués à cela. »

Souness a été suivi par beaucoup d’autres consultants dans sa comparaison. Le dernier en date, c’est Joe Cole la semaine dernière. Invité par Sky Sports à préfacer la nouvelle campagne de Ligue des Champions, celui qui a partagé le vestiaire de Chelsea avec Drogba a déclaré: « Selon moi, les similitudes ne se limitent pas à ce que l’on voit sur le terrain. Lukaku a aussi beaucoup appris de Drogba en dehors du terrain. C’est un leader dans le vestiaire, tout comme l’était Didier. Un leader né, apprécié de tous. Tout le monde parle de Frank Lampard et de John Terry, et de la manière dont ils gardaient l’église au milieu du village, mais Drogba était pareil. Lukaku est taillé du même bois. Il a encore un peu de chemin à parcourir avant d’arriver à la hauteur des trois précités, mais il est sur la bonne voie. Une bonne mentalité et une grande motivation, c’est ce qui fera en sorte que sa deuxième période à Chelsea soit un véritable succès. »

Pur finisseur

Romelu est clinical, comme disent les Anglais. Comme ça a été le cas à Manchester United, lorsqu’il a marqué sept fois au cours de ses sept premiers matches, il n’a pas raté ses débuts avec Chelsea. Lors du déplacement à Arsenal: quarante ballons joués, huit tirs dont deux cadrés et un but inscrit du droit. Lors de Liverpool-Chelsea, il n’a pas marqué, mais il a pesé sur la défense: 33 ballons touchés, deux tirs, mais aucun cadré. Chelsea-Aston Villa était son premier match à Stamford Bridge: seulement 24 ballons négociés, deux tirs et… un doublé. Clinical, on vous dit. Un du droit, un du gauche. Trois jours plus tard, le Zenit Saint-Pétersbourg a débarqué à Londres. Un match fermé, dans lequel Lukaku n’a joué que 27 ballons. Il devait se débrouiller au milieu d’une forêt de défenseurs russes. Quatre tirs dont un dans la cible, un but. De quoi assurer la victoire. Cette fois, le goal a été inscrit de la tête. Il a donc utilisé toute la panoplie du parfait attaquant.

Romelu Lukaku (à droite) aux côtés de Didier Drogba, lors de son premier passageà Chelsea en 2012.
Romelu Lukaku (à droite) aux côtés de Didier Drogba, lors de son premier passageà Chelsea en 2012.© GETTY

Lukaku remplit donc la mission pour laquelle Chelsea l’a fait revenir: marquer et devenir la principale menace offensive des Blues. Il est surtout efficace dans le rectangle, comme le démontrent les analyses. Cette saison, toutes les tentatives de Lukaku, à l’exception d’une seule, ont été initiées dans les seize mètres. En ce moment, c’est dans une position centrale et tout près du but adverse que Lukaku se montre le plus dangereux. En perte de balle, il se déporte parfois du côté droit, comme il le fait en équipe nationale, mais en possession de balle, il se positionne devant le but.

xG/xA

Très dangereux et fiable. Ce n’est pas neuf: il l’est depuis une décennie. À l’exception d’un petit creux – à Everton en 2014-2015, après la Coupe du monde au Brésil, il a toujours présenté des chiffres supérieurs à 0,5 but par match. Soit, en moyenne, plus d’un but de plein jeu tous les deux matches. Lukaku améliore aussi ses statistiques depuis le point de penalty. Avec l’Inter, il en a inscrit quinze ces deux dernières saisons. Avec Chelsea, il n’en a pas encore tiré pour l’instant.

Tout comme il n’a pas encore délivré le moindre assist sous le maillot londonien. Ce qui fonctionnait tellement bien la saison dernière à l’Inter, à savoir la collaboration avec Lautaro Martínez, qui a permis à l’Argentin de claquer six buts en 59 matches à partir d’une passe décisive de Lukaku, et à Lukaku d’en mettre huit sur un assist de Martínez, n’est pas encore tout à fait au point à Chelsea.

En cause: un autre dispositif (l’Inter jouait en 3-5-2, Thomas Tuchel opte pour un 3-4-3 à Londres), mais également la nécessité de devoir s’adapter à d’autres coéquipiers, qui ont chacun leurs qualités propres. À Chelsea, Lukaku a d’abord été soutenu par Mason Mount et Kai Havertz, puis par Havertz et Hakim Ziyech, jeudi par Ziyech-Mount et dimanche à nouveau par Mount-Havertz. Aucune de ces trois combinaisons ne s’est encore révélée efficace jusqu’ici. Lukaku a marqué sur des passes de Reece James, de Mateo Kovacic et deux fois de César Azpilicueta.

Les autres joueurs ont-ils loupé les occasions que leur a procuré Lukaku? Non. Cela se remarque aussi dans les statistiques. Outre les expected goals (xG), on trouve les expected assists (xA) dans les relevés, soit la possibilité qu’une passe puisse déboucher sur un but. Et l’on constate alors ceci: à Manchester United, en 2017-2018, José Mourinho avait utilisé Lukaku comme une sorte de Didier Drogba: dos au but, un attaquant puissant qui devait conserver le ballon et attendre la montée d’un partenaire qui s’infiltrait. Lors de cette première année, l’équipe avait terminé deuxième et le nombre de xA de Lukaku était très élevé: 5,1. On le remarque aussi dans les assists cette saison-là: ils sont au nombre de sept. La deuxième année, le nombre de xA a chuté à 2,4 (et personne n’a marqué sur l’une de ses passes).

Sous Antonio Conte, le nombre de xA en Serie A est reparti à la hausse: 5,3 durant la première saison (pour deux « vrais » assists) et 7,8 durant la deuxième saison (pour onze assists).

C’est à comparer avec les chiffres actuels à Chelsea. Pas encore d’assist, mais aussi un xA très bas: 1,3 après ses quatre premiers matches de championnat.

Les xA fonctionnaient-il mieux l’an passé, lorsque l’attaquant principal était Timo Werner, qui a offert le 0-3 à Antonio Rüdiger dimanche? Non. L’association Werner-Havertz a seulement permis d’inscrire quatre buts en 32 matches: Werner a marqué deux fois sur une passe de Havertz et ce dernier a marqué deux fois sur une passe de Werner. Quatre sur 32, c’était aussi le bilan de l’association Werner-Ziyech: l’Allemand a marqué une fois et le Marocain trois fois. L’association Werner-Mount, tentée à 49 reprises, a seulement permis d’inscrire deux buts, les deux fois par l’Allemand.

Conclusion, pour Chelsea, Lukaku n’est encore qu’un finisseur en ce moment. Car en matière de xA, Werner a réalisé de meilleurs scores: 6,1 xA et huit assists au final. En revanche, il n’a inscrit que six buts.

Nécessité

L’équipe avait-elle besoin d’un finisseur? Oui, certainement. Tuchel a certes remporté la Ligue des Champions, et a finalement hissé son équipe à la quatrième place du classement de la Premier League, mais c’était surtout grâce à une bonne défense (seulement treize buts encaissés durant la deuxième moitié de saison et onze clean sheets), car l’attaque des Blues ne s’est pas montrée performante sous la direction de l’entraîneur allemand. Lorsqu’il a succédé à Frank Lampard en janvier, il restait 19 matches de championnat à jouer. Durant ceux-ci, l’équipe n’a inscrit que 25 buts, dont cinq du point de penalty. Chelsea a perdu peu de matches, sauf en fin de championnat, lorsque l’équipe était concentrée sur la finale de la Ligue des Champions. Ça lui a permis d’encore arracher la quatrième place en championnat et de largement sauver sa saison avec, comme cerise sur le gâteau, la victoire en Ligue des Champions.

À peine vingt buts marqués de plein jeu en 19 matches, c’est peu. D’autant qu’après City et Liverpool, Chelsea est l’équipe qui s’est créé le plus d’occasions. Dans les tableaux (le nombre de buts inscrits par rapport aux xG), Chelsea est l’équipe la moins performante de toute la Premier League. Werner a été très critiqué, car c’est lui qui a hérité du plus d’occasions, mais il en a gâché beaucoup. Mais il n’est pas le seul à incriminer: Havertz, Christian Pulisic, Mount et Olivier Giroud ont également marqué moins qu’escompté. Cet été, les dirigeants se sont donc concentrés sur l’engagement d’un finisseur. Erling Haaland était en tête de liste, Lukaku était un (très bon) deuxième choix. Parce qu’il est clinical, comme il le démontre. Il ne lui reste plus qu’à remporter des trophées, et Didier pourra alors être fier de son successeur.

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