Belgique

La société sans cash, un rêve pour le consommateur ou surtout pour les banques ?

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Par Arnaud Ruyssen

On apprenait ce mercredi que le nombre de distributeurs de cash allait prochainement être divisé par deux. Les grandes banques promettent que 95% de la population aura un distributeur à moins de 5 km de son domicile, mais la tendance est claire et diminue l’accès à l’argent liquide. Du coup Déclic a voulu peser les avantages et inconvénients d’une possible "société sans cash", pour le consommateur et pour les banques.

Plus pratique, plus simple… mais pas pour tout le monde

Premier argument souvent mobilisé pour défendre l’utilisation sans cesse augmentée des transactions électroniques : le côté simple, pratique et les opportunités offertes par ces modes de payement. Plus besoin d’avoir du liquide en poche, possibilité de payer par carte, sans contact, avec son smartphone, sa montre connectée… Aujourd’hui des applications permettent par exemple de se verser de l’argent en quelques secondes, de particulier à particulier, de diviser une addition au restaurant, etc.


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Mais le problème c’est que tout le monde n’a pas accès à ces nouvelles opportunités. Selon une étude de la fondation Roi Baudouin publiée en 2020, 4 Belges sur 10 sont aujourd’hui à risque d’exclusion numérique. 32% ont de faibles compétences numériques, 8% n’ont tout simplement pas accès à Internet.

© Fondation Roi Baudouin

Christine Mahy, du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté pointe encore ceci : "Il y a encore beaucoup de gens qui procèdent par enveloppes pour gérer leur budget mensuel, des gens pour qui la matérialité de l’argent a de l’importance". Elle estime aussi que certaines personnes âgées ou en situation de handicap, même formées ou accompagnées ne pourront jamais acquérir les compétences suffisantes pour effectuer leurs transactions en numérique.

Une meilleure lutte contre la fraude ?

C’est un argument souvent évoqué aussi par les acteurs de la dématérialisation : une société sans cash éliminerait la fraude, l’économie souterraine et la criminalité financière. Certes, l’absence d’argent liquide compliquerait l’organisation du travail au noir et serait une très mauvaise nouvelle pour les trafiquants de drogue par exemple.

Mais selon le juge d’instruction Michel Claise, "la criminalité financière s’est d’ores et déjà réinventée en utilisant les zones d’ombre du réseau financier international, les paradis fiscaux et les cryptomonnaies". Ce n’est donc pas la panacée, loin de là.

L’effacement de la notion de vie privée

C’est Monique Goyens, directrice du BEUC (le bureau européen de défense des consommateurs) qui mettait en avant cet argument : "On a tous besoin d’espaces de vie privée. Prenons un exemple : si vous vous affiliez à un parti politique et que vous payez votre cotisation, vous n’avez pas forcément envie que votre banque le sache et puisse réutiliser cette information". Or tout payement électronique laisse forcément une trace.

Un enjeu de démocratie aussi…

Enfin il y a aussi la question du contrôle démocratique sur la monnaie. Aujourd’hui une large part de la création monétaire est déjà le fait des banques privées, via l’octroi des crédits.

Pour Monique Goyens, du BEUC " le moyen de payement, c’est un bien public. Ce sont les banques centrales qui frappent la monnaie. En digitalisant nous allons confier le moyen de payement à des fournisseurs privés, avec tous les risques que cela comporte ". De quoi nourrir le débat politique qui s’initie déjà sur ce choix des banques de rationaliser l’offre de distributeurs.

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