"Cette épidémie devient une épidémie des non vaccinés" : les mots du Premier ministre pourraient être contreproductifs, "on risque de raidir cette population"

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Par Daphné Van Ossel avec Thomas Dechamps

Le Premier ministre n’a pas mâché ses mots, ce vendredi, lors du comité de concertation. La situation vaccinale à Bruxelles n’est “ni acceptable, ni tenable”, a-t-il martelé. Le Premier ministre s’en est pris aux non vaccinés. "Cette épidémie devient une épidémie des non vaccinés”, a-t-il lancé, reprenant la formule de Joe Biden.

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“En tant que société, on ne peut accepter que des gens fassent le choix de mettre d’autres personnes en danger, a-t-il poursuivi. Personne ne peut faire ça à quelqu’un d’autre. Les vaccins sont sûrs, gratuits et disponibles partout. Ce sont ceux qui ne se sont pas fait vacciner qui sont responsables du fait que des règles restent encore strictes à certains endroits. Et surtout, celui qui ne se fait pas vacciner met sa vie en danger et met en danger la vie des autres. "

Que penser de ce ton offensif ? Ces déclarations pourraient-elles aider à convaincre les personnes toujours réticentes à se faire vacciner ? Olivier Luminet, professeur de psychologie de la santé à l’UCLouvain, membre du groupe d’experts “psychologie et corona” et coauteur du baromètre de la motivation, nous livre son point de vue.

Les mots du Premier ministre sont forts, seront-ils pour autant efficaces ?

"Dire qu’il y a une “épidémie de non vaccinés”, cela porte une symbolique extrêmement forte. Ça risque de raidir cette population.

D’un point de vue psychologique, la menace, ce n’est pas la bonne technique. A un certain moment, on a voulu récompenser les gens, les payer pour se faire vacciner. Dans un sens comme dans l'autre, ce sont des stratégies qui sont très peu efficaces parce que ça risque d'accentuer encore l’opposition.

Il y a aussi de la culpabilisation dans ces propos. Cela risque d’aggraver la polarisation entre deux camps, les bons et les mauvais, les vaccinés et les non vaccinés."

Y a-t-il encore moyen de convaincre ?

"Parmi les gens qui ne sont pas encore vaccinés, il y a une petite proportion qui ne se fera sans doute jamais vacciner, mais il y a aussi beaucoup de gens, notamment à Bruxelles, qui manquent encore d’informations. Je pense que les propos du Premier ministre risquent de raidir un certain nombre de gens hésitants qui sont pourtant prêts à entendre des explications scientifiques. Agiter la menace risque de les détourner de ces informations."

Il faut encore et toujours privilégier l’information, l’explication ?

"Oui, il faut informer, expliquer. Le meilleur exemple, c’est Leïla Belkhir (infectiologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc, ndlr) qui vient d’aller dans une école à Bruxelles. Les ados ont pu mettre en évidence les craintes classiques qui circulent pour le moment sur les réseaux sociaux, comme l’infertilité, et en expliquant de manière scientifique que ce genre d’argument est tout à fait faux, elle a pu faire tomber des barrières chez un certain nombre de jeunes.

Donc, comme je l’ai dit, il y a une part de la population qu’on ne pourra pas convaincre, 10% environ. Ceux-là vont rester rétifs à toute communication. Mais cela veut dire qu’on peut tout à fait atteindre les objectifs de 90% de vaccination à condition de développer une stratégie de communication efficace, et notamment cette stratégie de proximité. On sait que les experts jouissent d’une grande confiance, tout comme les médecins généralistes et les pharmaciens. Ce sont 3 catégories de personnes qui doivent aller au contact."

Un discours trop radical pourrait être contreproductif ?

"Oui, il faut sortir d’une politique d’infantilisation dans laquelle on dit aux gens : on va vous faire obéir soit en vous donnant de l’argent soit en vous donnant des sanctions.

La crise que l’on connaît est une crise de longue haleine. Il faut aussi que les gens restent motivés. On risque avec cette politique du bâton que les gens contraints aillent se faire vacciner mais abandonnent encore plus les gestes barrières dans une espèce de compensation : ‘on m’a obligé à me faire vacciner mais, moi, le masque, le lavage des mains, les distances sociales, c’est terminé !'. Or, il faut maintenir la vigilance à ce niveau-là aussi.

La vaccination c’est un élément dans un ensemble d’éléments et en mettant en exergue on risque d’avoir un abandon complet des autres mesures."

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JT du 18/09/2021

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