Economie

Causes, risque de pénurie, impact sur la facture: comprendre la flambée des prix du gaz et de l’électricité en 6 questions

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Par Lavinia Rotili avec F.H.

Depuis quelques mois, les prix du gaz augmentent. Si les syndicats et les consommateurs s’inquiètent quant à l’impact de cette hausse de prix sur la facture, plusieurs questions restent ouvertes quant à cette flambée de prix. Nous avons essayé d’y répondre.

1. Pourquoi les prix augmentent-ils ?

Pour bien comprendre la hausse des prix, il faut d'abord faire le point sur le contexte économique, à la fois en Belgique et à l’étranger.

Stéphane Bocqué, directeur de la communication à la Fédération belge des entreprises électriques et gazières (FEBEG), expliquait ce matin sur La Première "qu’il ne s’agit pas d’un phénomène spécifiquement belge, mais plutôt d’un phénomène d’inflation mondiale au niveau des énergies." En cause, une "reprise économique très importante post-Covid dans le monde, qui augmente la consommation d’énergie partout".

"Toutes les énergies (gaz, pétrole, charbon), détaille-t-il, sont à la hausse, et les matières premières également. Cela est dû à la reprise économique mais aussi à une grande concurrence entre les continents pour s’approprier les réserves énergétiques et, entre autres, le gaz. L’Asie est particulièrement gourmande pour le moment en gaz." 

La demande accrue de l'Asia a entraîné une une diminution de l’approvisionnement de gaz naturel en Europe et donc la hausse des prix, selon une note de la la Commission belge de Régulation de l’Electricité et du Gaz (CREG).

De manière plus générale, la demande de gaz en Europe est plus élevée par rapport aux autres années, alors que les "niveaux de stockage restent en deçà des niveaux habituels", détaille encore le CREG. Ajoutez également que l’été est le moment des travaux de maintenance des installations gazières et que quelques incidents se sont vérifiés : voilà que l’offre de gaz diminue.

Un dernier facteur entre également en jeu : "A terme, le charbon va disparaître du mix énergétique et va être remplacé par le gaz, qui est nettement moins carboné. Tout le monde se jette simultanément sur le gaz, et cela entraîne une inflation très importante des prix", ajoute Stéphane Bocqué.

Pour ce qui est de l’électricité, la reprise post-Covid joue un rôle. En plus de cela, le régulateur souligne aussi "une faible production d’électricité d’origine éolienne ces derniers mois en raison des conditions météorologiques, différents travaux de maintenance au niveau des centrales et une hausse de la production d’électricité à partir du gaz naturel et du charbon dans un contexte d’augmentation des prix du gaz, du charbon et du CO2."


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2. Quel impact sur la facture belge ?

Au niveau belge, c’est le coût de la vie qui a augmenté : au mois d’août, l’inflation affichait des niveaux de 2,73% pour le mois d’août, une hausse des prix que la Belgique n’avait plus connue depuis une dizaine d’années. Le prix du gaz naturel a, quant à lui, augmenté de près de 50% par rapport à 2020, tout comme celui de l’électricité (+17%) et du carburant (+15%).

Or, signale encore une fois le CREG, le prix affiché sur nos factures est composé de plusieurs éléments : le coût de l’énergie, les frais de transport et distribution, les taxes ou prélèvements divers. La flambée des prix impacte uniquement cette composante "coût de l’énergie". Cette part représente environ 30% d’une facture d’électricité et près de 50% d’une facture de gaz naturel.

Concrètement, le régulateur a calculé qu’un ménage moyen va dépenser 1000 euros par an pour l’électricité et 1600 euros par an pour le gaz et ces prix pourraient encore augmenter. Selon un exemple de calcul réalisé au sein de notre rédaction, la facture de gaz et électricité entre septembre 2020 et septembre 2021 augmente de 657 euros pour un ménage composé de deux enfants et deux adultes.

 


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Jérémy Wolf, directeur opérationnel de Wikipower, qui propose des achats groupés d’énergie et de solutions durables, estime "qu’on a jamais connu des prix aussi élevés sur les marchés". Ses prévisions sur les coûts par rapport à septembre 2020 sont plus pessimistes : "on a une augmentation qui tourne autour des 800 euros pour un ménage qui consomme gaz et électricité, avec des consommations moyennes qui sont peut-être un peu inférieures aux normes que préconise la CREG, mais qui sont quand même assez élevées. Donc, pour un ménage qui consomme 3500 kilowattheures d’électricité et 17.500 kilowattheures de gaz, il va y avoir une augmentation de 800 euros annuelle sur sa facture."

3. D’où vient le gaz naturel utilisé en Belgique ?

On l’aura compris : le prix de l’énergie dépend de facteurs économiques internationaux et belges. Lorsqu’on regarde au-delà de nos frontières, ça bouge. Par exemple, la Russie vient d’achever son gazoduc Nord Stream 2. Aurait-elle coupé le robinet pour apparaître un peu comme le grand sauveur avec ce gazoduc ?

"Il faut souligner que la Russie est un fournisseur de l’Europe parmi d’autres. Un fournisseur important, certes, mais il y a également d’autres aspects, nuance Stéphane Bocqué. Par exemple, en Norvège, il y a des plateformes qui sont en opération de maintenance, et qui dit maintenance, dit pas de production, et donc une réduction de l’offre vers l’Europe. Tous ces éléments créent une sorte de tempête parfaite sur le secteur du gaz en Europe et dans le monde."


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Toutefois, éclaire le CREG, le gaz naturel utilisé en Belgique n’arrive que dans une moindre mesure de Russie et de Grande-Bretagne. "Le gaz naturel est principalement importé de Norvège, des Pays-Bas et du Qatar", détaille le régulateur. Sous sa forme liquéfiée, il passe notamment par Zeebrugge et vient du Qatar.

Achetant sur les marchés internationaux, les fournisseurs "ont relativement peu de prise sur les évolutions de ces prix", ajoute Stéphane Bocqué.

4. Risque-t-on une pénurie à l’approche de l’hiver ?

Entre flambée des prix et rouée sur le gaz, beaucoup craignent des pénuries, alors que l’hiver approche. Or, selon Stéphane Bocqué, des coupures de gaz seraient "inédites".

"Je n’ai pas de boule de cristal, mais les niveaux de stockage sont actuellement à peu près à 60% au niveau européen, alors qu’ils devraient être à 80%. Ça participe aussi du fait qu’il y a une forte demande parce qu’il faut les remplir, explique-t-il. Par exemple, en Belgique, à ma connaissance, il y a un mois, le niveau de stockage était très proche de 80%. Le terme pénurie me paraît donc un peu exagéré."


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En termes de sécurité d’approvisionnement, il estime qu’on "ne devrait pas rencontrer de problèmes majeurs. En termes de prix, il va surtout falloir voir comment l’hiver se déroule. Un hiver froid va contribuer à la hausse de prix. Si on a un hiver plutôt doux, ce sera le contraire. C’est d’ailleurs comme ça chaque année."

Bien qu’il soit impossible de l’exclure totalement à ce stade, la pénurie paraît tout de même peu probable.

5. Quels sont les bons gestes pour économiser ?

L’attention à la consommation et aux coûts est au centre des préoccupations du consommateur. Le CREG donnait déjà au mois d’août une série de conseils, résumés ici par notre rédaction. Pour le reste, Jérémy Wolf de Wikipower, met l’accent sur deux aspects : le premier concerne le type de tarification, fixe ou variable.

"Si on est sur un contrat à tarif fixe, a priori, pas de problème, mais je le dis avec des pincettes. Ensuite, il faut se pencher sur un deuxième aspect, qui est de savoir quelle est la durée du contrat. S’il va être renouvelé prochainement, malheureusement, il faudra se pencher sur des comparateurs de prix ou opter pour un achat groupé. Wikipower propose les deux. Étant donné qu'il n’a pas le choix, le consommateur va devoir renouveler son contrat, et il n’y a pas de miracle au niveau des tarifs actuels, il payera plus cher."


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Selon ses estimations, les comparateurs permettent d’économiser entre 100 et 150 euros pour l’électricité. Pour électricité et gaz, on peut arriver jusqu’à 300 ou 350 euros.

Pour Jérémy Wolf, cela demande notamment une "éducation des personnes à décrypter leurs factures, à pouvoir la comparer correctement et bien vérifier quel tarif ils payent au kilowattheure, et surtout avoir le réflexe de challenger son fournisseur, que ce soit en changeant de contrat chez le même fournisseur ou chez un autre."

Au de-là de ces calculs, les deux experts conseillent aussi de limiter sa consommation d’énergie au travers une série de gestes plus simples, comme mieux régler le thermostat, par exemple. "Mais il faut aussi que les fournisseurs proposent des solutions qui permettent de diminuer structurellement la consommation énergétique, comme des solutions d’autoproduction, des panneaux solaires, la rénovation des systèmes de chauffage. Les fournisseurs sont de moins en moins des vendeurs de KW et de plus en plus des offreurs de solutions durables."

6. Quelles solutions proposent les pouvoirs publics ?

Pour l’instant, les propositions politiques foisonnent. Ce 13 septembre, la ministre de l’Energie Tinne Van der Straeten (Groen) suggérait de prolonger le tarif social pour un million de ménages. Cette mesure permet aux personnes disposant de bas revenus et devant se contenter du revenu d’intégration de bénéficier des prix les plus bas sur le marché. Ce tarif avait été élargi par le gouvernement fédéral fin 2020, mais il est censé cesser en fin d’année.

Du côté socialiste, Vooruit et le PS estiment qu’il s’agit d’une bonne idée, mais le PS souhaite aller plus loin et avance l’hypothèse d’un rabais forfaitaire. L’idée tient à cœur depuis longtemps aux socialistes francophones : pendant son mandat de ministre de l’Energie, Paul Magnette avait introduit en 2009 une réduction de 30 euros pour les particuliers. Les socialistes seraient aussi favorables à un gel des prix de l’énergie.

Autre piste, la réduction de la TVA de 21% à 6%. Cette solution a toutefois été abandonnée en vertu de l’accord de gouvernement qui ne lui a pas consacré de place. L’idée est toutefois encore prônée par plusieurs associations et syndicats. Quant à sa viabilité et à son efficacité, Stéphane Bocqué estime que si une telle mesure devait être adoptée, il faudrait qu’elle soit balisée par des conditions très claires. Pour lui, toutefois, le vrai message à adresser au consommateur concerne une consommation plus responsable.

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