Au fil des études réalisées, surtout en Australie, aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne, un profil se dessine: Les jeunes sont beaucoup plus anxieux que les adultes: "Il y a plusieurs interprétations possibles, c'est juste qu'ils vont probablement vivre des conséquences et que les plus âgés ne seront pas là", poursuit Alexandre Heeren. "Les personnes qui sont plus exposées à la nature ont un risque plus important d'être impacté, je pense aux guide-nature ou aux personnes qui travaillent dans les réserves naturelles, notamment parce qu'elles vont voir les modifications de l'environnement".
Des alarmistes ou des personnes plus lucides que la moyenne?
Les personnes qui ressentent de l'éco-anxiété ont souvent l'impression que si leur entourage savait, était aussi bien informé qu'elles, elles deviendraient aussi angoissées par ce qui nous attend. Alors alarmistes ou plus lucides que la moyenne? "C'est vrai que quand on voit l'état du règlement climatique ou l'état de l'érosion de la biodiversité, il y a évidemment de quoi être anxieux", pour François Gemenne, membre du GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat et spécialiste en géopolitique de l'environnement.
Nous sommes face à une transformation durable
"Je crois que la difficulté psychologique principale, c'est d'arriver à faire notre deuil de l'idée que l'on va pouvoir revenir en arrière. Il faut réaliser que, pour ce qui est du changement climatique en tous cas, la transformation que nous avons engagée est irréversible, en tous cas, à l'échelle d'une vie humaine. Les températures ne vont pas baisser, le niveau des océans ne va pas baisser et donc nous ne sommes pas face à une crise qui est par nature temporaire et qui annonce un retour à la normale, nous sommes face à une transformation durable. En tout cas, à l'échelle de nos vies humaines".
►►► A lire aussi : Le rapport du Giec, un texte aux enjeux planétaires face aux catastrophes climatiques de cet été
Sans pour autant valider le scénario de l'effondrement de la civilisation industrielle dans un futur proche: " Je pense qu'il faut faire attention avec ce narratif, il a des fondements scientifiques mais c'est le scénario du pire. On va prendre les valeurs les plus catastrophiques qui ne peuvent plus être exclues du champ des possibles. Mais cet effondrement de nos sociétés, il n'est pas inéluctable".
L'éco-anxiété, le moteur d'un changement
Ce que rappelle aussi Alexandre Heeren, professeur à la faculté de psychologie, spécialiste de l'anxiété, c'est que bien souvent, l'éco-anxiété va souvent être le déclic vers un changement: "Nous sommes des animaux, les émotions sont là, elles ont un rôle et l'anxiété est là aussi pour nous prévenir: 'Attention quelque chose est là, qui crée de l'incertitude et qui pourrait être dangereux et donc il faut se bouger'. Il faut donc prendre le temps d'écouter nos émotions et les utiliser pour aller de l'avant". Cela dit, cela peut aussi tétaniser certaines personnes.
Du côté de Loïc, Esmeralda, les projets ne manquent pas. " Ce qui fait du bien, c'est de partager du temps avec les personnes qui ont les mêmes visions d'avenir". Il s'investit dans un projet "La Suite du Monde", qui cherche à libérer des terres agricoles pour y développer d'autres projets liés à l'habitat, la production agricole, etc... Des projets à mener, puisqu'en parallèle, selon lui, les hommes et femmes politiques ne prennent pas de mesures assez radicales pour lutter contre les destructions en cours: "C'est comme tirer au pistolet à eau pour éteindre un incendie".
Se reconnecter avec notre puissance d'agir
Géraldine Rémy aussi développe des projets, ce qui apaise son éco-anxiété. Professeur de français, ses lectures entraînent ce sentiment très fort chez elle en 2016: " Je donnais cours chaque jour face au moins à une centaine d'élèves et j'avais l'impression d'être en décalage. J'étais en train de leur enseigner les règles de l'accord du participe passé et je me disais: Mais, ça n'a plus de sens, ce que je fais, il faudrait qu'il y ait une prise de conscience, des débats, des échanges que l'on puisse intégrer toutes ces données que l'on n'a pas très envie de voir".