"On est complètement dans le flou pour le moment" : les commerçants fragilisés entre la crise sanitaire, des soldes mitigés et les inondations

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Par bojo

Les soldes d’été s’achèvent ce samedi. Pour la deuxième année consécutive, elles se sont déroulées dans une atmosphère de pandémie et le moins que l’on puisse dire c’est que "l’atmosphère n’est pas à la fête". C’est en tout cas ce que dit Isabelle Morgante, chargée de communication à l’UCM, l’Union des classes moyennes.

Il faut dire que pour les commerçants, les jours passent et les situations inextricables se multiplient. Après les fermetures liées à la pandémie, la réouverture n’a pas sonné le retour du "fun shopping". Et à cela s’ajoutent les inondations historiques qui ont parfois complètement détruit leurs biens.

Le bilan mitigé des soldes

"Le cœur n’est pas à l’achat", lance Isabelle Morgante qui dresse le "bilan mitigé" des soldes d’été qui s’achèveront ce samedi en Belgique. "Il y a eu la pluie, il y a eu tout le contexte de la crise sanitaire et à cela se sont ajoutées les inondations dans plusieurs parties du pays. En plus, on peut dire, avant les inondations, que la notion de shopping plaisir comme on la connaissait, c’est-à-dire aller en famille un samedi après-midi dans un centre-ville ou dans ses magasins préférés et acheter, ou même avoir un coup de cœur, ce shopping plaisir n’est pas encore revenu dans les habitudes et dans le comportement des clients", ajoute-t-elle.

A cela s’ajoutent, les changements de comportements et d’habitude de consommation. Si c’était déjà le cas avant la pandémie, le boom de l’e-commerce a complètement explosé. "C’est qu’il y a une clientèle spécifique des soldes qui profite de ce moment-là pour refaire sa garde-robe. Ces gens ont disparu. Achètent-ils en ligne plutôt que de se déplacer dans les magasins ? C’est compliqué à dire, mais en tout cas, cette catégorie d’acheteurs n’existe plus", indique Isabelle Morgante.

Pourtant, les soldes restent un moment important pour les commerçants. Comme l’explique la représentante de l’UCM, "c’est le moment où il va renflouer sa trésorerie et le moment où il liquide ses stocks. Et c’est aussi un moment légal durant lequel on peut vendre à perte, comme durant les braderies et les liquidations". C’est la raison pour laquelle, ils souhaitent les maintenir.

Mais avec ce bilan mitigé, quelles sont les autres options dont disposent les commerçants pour pouvoir renflouer leur trésorerie et liquider les stocks restants ? A cela, Isabelle Morgante répond que la période des soldes qui reste un moment légal en janvier et en juillet, on peut réserver un endroit, un coin de son magasin aux vêtements qu’on veut encore voir partir. On peut appeler ça les prix d’ami, les prix ronds ou le coin des bonnes affaires. Ça peut s’appeler de n’importe quelle manière, entre guillemets, sauf soldes, qui restent un terme vraiment légal et encadré. On peut aussi faire d’autres choses. Dans le Hainaut, j’ai eu connaissance d’une commerçante qui s’est retrouvée avec un stock très important et qui a décidé de le donner à la Croix-Rouge pour aider les sinistrés".

Malchance et résilience

Il faut dire qu’en dehors de la situation sanitaire, la météo pourrie de cet été n’a pas poussé non plus à la consommation. Et comme si cela ne suffisait pas, nombreux sont les commerçants qui doivent aujourd’hui faire face aux conséquences des inondations qui ont touché le pays. Face à cette désolation, chaque cas est différent.


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"Nous sommes allés hier voir les commerçants à Trooz, en région liégeoise, une des communes les plus touchées. Il faut savoir que le seuil de pauvreté touche une personne sur cinq dans cette commune de la vallée et, forcément, le spectacle n’est que désolation, et en même temps, certains commerçants que j’ai eu l’occasion de rencontrer pensent déjà à l’avenir", indique Isabelle Morgante. "Un monsieur qui fait de l’usinage de précision, qui s’appelle Najim et dont l’entreprise fonctionnait très bien, en a à peu près pour 800.000 euros de dégâts, parce que ce sont des machines très spécifiques à haute valeur ajoutée qui coûtent très cher. Il a attendu plusieurs heures au-dessus d’une de ses machines pour qu’on vienne le chercher parce que son entrepôt était complètement inondé. On est venu le chercher en canoë de sauvetage et c’est un policier flamand qui est venu. Et il vous raconte tout ça, ce sont vraiment des petits morceaux de la dentelle d’une vie de personnes".

Et pourtant aujourd’hui, Najim regarde vers l’avenir. Mais entre aujourd’hui et demain, les temps de l’action se confondent. Si la volonté de reconstruire, de recommencer est là pour certains, la question reste de savoir quand cela sera possible. "La commande de ses machines, c’est bien beau, mais il les aura en février ou en mars. Qu’est-ce qu’il fait pendant ce temps-là pour ses clients ?", souligne Isabelle Morgante. A côté, il y a aussi celles et ceux qui ont leur commerce dans des zones sinistrées. Faut-il tout recommencer ici ? Est-ce que la clientèle sera au rendez-vous ?

Des aides qui ne suffiront pas

Face à ces tranches de vie, si différentes les unes des autres mais également si semblables face à l’adversité, de nombreuses aides ont été débloquées par les autorités. Un coup de pouce oui. Mais cela ne sera pas suffisant à sauver tout le monde. Isabelle Morgante le répète, "certains ne vont pas s’en relever, clairement. D’autres vont se relever et continuer. D’autres vont arrêter. C’est vraiment du cas par cas".

Deux milliards d’euros ont été débloqués par le gouvernement wallon, dont 800.000 euros proviennent du plan de relance. On parle de dispenses ou de reports de cotisations sociales, le droit passerelle qui est applicable, le chômage temporaire, et il y a même des prêts d’urgence jusqu’à 50.000 euros et "à côté de cela, effectivement, il y a le prêt urgence inondations de la Sowalfin et le prêt Sogepa pour les structures plus grandes". Et pourtant comme l’explique la chargée de communication, "j’étais à Verviers avec le ministre Borsus, qui parlait effectivement du dégagement de ces deux milliards, dont 800 millions viennent du plan de relance. Et à la fin de son intervention, il disait clairement que ça ne suffirait pas".

Le fait est que pour l’heure, le temps est celui de l’urgence, du déblayage, de la nécessité. Mais pour ce qui est de la reconstruction c’est le temps d’après. Or, "franchement, je ne pense pas que ce soit suffisant parce qu’il y a tellement de choses à faire. Tellement !".

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