Le rapport du Giec, un texte aux enjeux planétaires face aux catastrophes climatiques de cet été

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Par Lucie Dendooven

Inondations inédites en Europe, dôme de chaleur de 45° à 50° au Canada, moussons apocalyptiques en Chine et en Inde, l’avalanche de catastrophes de cet été 2021, a remis la question du dérèglement climatique au cœur du débat ,aujourd’hui, dans le monde. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) se réunit ce lundi 26 juillet, deux semaines de réunion virtuelle des 195 États membres pour valider le premier volet de leur 6ème rapport sur le climat mondial. Un texte de référence sur le dérèglement climatique, qui sera publié le 9 août prochain, à 100 jours de la COP26, il s’agit d’une étape cruciale pour l’avenir de l’humanité.

C’est un texte très attendu et dont certains points ont, d'ailleurs, fuité dans la presse en juin dernier. Le dernier rapport d'évaluation des scientifiques du Giec date de 2014 et le monde a beaucoup changé entretemps. Des millions de jeunes sont descendus dans les rues pour tancer nos hommes politiques et souligner les signes du dérèglement politique. Les événements extrêmes- pour parler pudiquement- se sont amplement multipliés en moins d’une décennie. L'accord de Paris signé en décembre 2015 avait fixé pour objectif de limiter le réchauffement "en deçà" de +2 degrés par rapport à l'ère préindustrielle, si possible +1,5°C .Nous sommes aujourd’hui à 1,1°et pour beaucoup d’experts, nous aurons atteint les +2° en en 2030.

Faisons-nous déjà face aux conséquences du dérèglement climatique ?

Le premier volet du rapport du Giec va s’attaquer prioritairement à cette question. Le texte porte sur les éléments scientifiques les plus récents concernant le changement climatique.

Franck Pattyn est glaciologue à l’ULB, l’Université Libre de Bruxelles, il a participé à l’élaboration du texte, notamment sur la question de la fonte des glaces et il est formel : " Aujourd’hui, nous avons une hausse moyenne du niveau des océans qui est au-delà de 4 mm/an. La plupart de ces eaux proviennent de la fonte des glaciers continentaux, du Groenland et de l’Antarctique. Si on se projette en 2100, on pourrait avoir une hausse d’un mètre du niveau des mers. "

La montée du niveau des mers n’est pas le seul constat de changement climatique. Jean-Pascal Van Ypersele, professeur en climatologie à UCLouvain , a été, pendant longtemps, le vice-président du GIEC. Pour lui, aucun doute, le réchauffement global de la terre augmente les précipitations et surtout leur intensité. Il s’explique : " Il y a, d’une part, une loi physique qui veut que quand l’air est plus chaud, il contient plus d’eau. 1°c en plus = 7% d’eau en plus. En moyenne, l’atmosphère est plus chargée en vapeur d’eau, à la suite du réchauffement global. Quand cette vapeur d’eau se condense, les quantités qui tombent du ciel peuvent être beaucoup plus importantes. "

Le Gulf Stream ralentit

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Un robinet ouvert plus fort et plus longtemps au-dessus de nos têtes

Mais notre expert ne s’arrête pas à ce constat. Il poursuit avec une autre observation, celle de la perturbation du jetstream, un courant d’air très rapide qui sépare les masses d’air froid du pôle nord, des masses d’air chaud provenant de l’Equateur. Avec une différence moins importante de température entre l’équateur et le pôle nord, ce jetstream s’affaiblit. Ce dérèglement de la dynamique atmosphérique a pour conséquence, selon lui, que les zones de haute pression et de basse pression se déplacent plus lentement. Il résume la situation par une image : " Il y a non seulement un robinet qui est ouvert plus fort mais en plus il reste ouvert plus longtemps au-dessus de nos têtes. "

Un constat qui fait froid dans le dos à la lumière des inondations survenues ces dernières semaines en Wallonie. Cet expert ne cache pas, d’ailleurs, sa frustration et son émotion lorsqu’il voit que ce qui se passe aujourd’hui est une concrétisation des alertes répétées des scientifiques depuis plusieurs décennies.

Xavier Fettweiss, climatologue à l’ULiège ne dit pas autre chose : " C’est dommage d’avoir dû vivre le pire scénario prédit par le GIEC dans les années ‘9O pour que nous prenions la mesure des choses. "

Il reconnaît, toutefois, que les prévisions du GIEC étaient une vision très globale des conséquences du réchauffement climatique. Et il se réjouit que ce rapport-ci va s’attacher à nous donner une vision plus régionale et locale qui permettra aux sociétés de mieux s’adapter et mieux anticiper les changements climatiques.

Climat : la planète face à des conditions extrêmes

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Des hommes politiques face à leurs responsabilités

Jean-Pascal Van Ypersele souligne, toutefois, des erreurs de gestion d’aménagement du territoire par le passé : " La plupart des responsables politiques ont privilégié des préoccupations économiques à court terme. Ils ont négligé les lois de la nature, qui ont fini par se retourner contre la vie de leurs électeurs. ".

Il prend un exemple pour étayer ses propos : "Quand on crée des centres commerciaux, en dehors des centres urbains, on mobilise des déplacements individuels plus importants car ils sont difficiles à satisfaire par des transports publics ou une mobilité douce. Résultat, ces déplacements en voiture s’ajoutent aux gaz à effet de serre"

François Gemenne, spécialiste en géopolitique et professeur à Sciences Po Paris et à l'Université libre de Bruxelles, lui, fait un parallélisme entre le dérèglement climatique et la pandémie du coronavirus : "Nous regardions le changement climatique comme nous regardions le coronavirus lorsqu’il était encore confiné en Chine. Nous nous disions que ça ne nous concernait pas vraiment. Et c’est une des raisons pour lesquelles nous avons longtemps hésité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Nous pensions que nous ne serions pas les premiers bénéficiaires de ces réductions d’émission. En voyant que nous ne sommes pas à l’abri d’événements climatiques extrêmes, il est possible que ça crée un électrochoc. "

Lui aussi attire notre attention sur la grande responsabilité des hommes politiques aujourd’hui et surtout à l’avenir : " Ils ne doivent ne pas utiliser la carte du changement climatique pour se dédouaner de leurs responsabilités au niveau de la gestion des cours d’eau, des plans d’évacuation, de l’aménagement du territoire. Il faut pouvoir pointer la responsabilités politiques lorsqu’elles n’anticipent pas les événements extrêmes et il faut les responsabiliser à anticiper de tels événements. "

Pour cet expert, aussi, il faut revoir, de fond en comble, l’aménagement du territoire parce qu’il y a eu trop d’artificialisation des sols, un étalement urbain, une modification du tracé naturel des cours d’eau . Il faut pouvoir se poser la question aujourd’hui de savoir quelles sont les zones qui sont sûres et les zones qui sont à risque. Le changement climatique, selon cet expert, nous pose la question de l’habitabilité.

Vers une potentielle augmentation des inondations en Belgique

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