C’est le constat que fait Bernard Cools, professeur à l’UCLouvain et directeur des études chez Space Agence Média, spécialiste de la socioéconomie des médias. Pour lui, la décision du groupe allemand RTL de se séparer de filiales à l’étranger pour se recentrer sur le marché allemand a ouvert la porte à des regroupements importants dans les pays où se trouvent ces filiales. "Au niveau français, on a une fusion M6-TF1 qui va constituer un très gros pôle. Aux Pays-Bas, un gros opérateur, Talpa, concurrent d’RTL va également fusionner avec RTL Nederland et couper l’herbe sous le pied de DPG qui se voyait bien en acheteur d’RTL Nederland", explique Bernard Cools. Et en Belgique, il y aurait "constitution possible d’un grand pôle national belge", poursuit-il.
Un rapprochement entre Rossel et DPG ne serait pas surprenant. "Il y a une habitude de collaboration entre les deux. Ils ont été ensemble aux commandes de Mediafin, l’éditeur du Tijd et de l’Echo et ont l’habitude de se parler par-delà la frontière linguistique". Le rapprochement aurait aussi des raisons financières, "Rossel est peut-être un peu court pour racheter RTL Belgique. Du point de vue économique, le fait de s’associer avec DPG Media est intéressant", souligne Bernard Cools. Il y aurait aussi une possibilité de mieux résister à la concurrence de grands groupes internationaux comme Google, Amazon, par exemple.
"En Belgique, nous nous faisons beaucoup de concurrence entre médias du nord et du sud, y compris au niveau commercial, alors qu’aujourd’hui, les GAFA, Google Facebook et les autres ont tendance à aborder le marché publicitaire belge de manière globale, comme un seul territoire", analyse Bernard Cools. Se regrouper au niveau belge permettrait "d’arriver avec des solutions larges et qualitatives par rapport aux annonceurs", explique Bernard Cools.
Reste à voir ce que cela changera pour les médias eux-mêmes, notamment ceux qui constituent actuellement le groupe RTL Belgique. Pour Bernard Cools, RTL Belgique est "appelé à changer assez fort". Pour lui, "il y a un certain retard au niveau digital, connu et qui doit être comblé. Au niveau de DPG, et même de Rossel, il y a une compétence digitale certaine qui va sans doute influer sur la conduite des affaires chez RTL". Jusqu’à présent, RTL Belgique dépendait aussi en partie des programmes de M6 pour remplir ses grilles. "Cela pourrait ne plus l’être", se demande Bernard Cools. Dans quelle mesure la présence d’RTL et de VTM dans un même groupe permettrait-elle d’alimenter RTL en versions francophones de programmes flamands ? "Jusqu’à présent, cela n’a pas bien fonctionné", souligne Bernard Cools, faisant référence à la déclinaison de fictions flamandes au sud du pays.
Mais pour Bernard Cools, cette logique de regroupement est inévitable. "Ce serait difficile de faire autrement", estime-t-il, car il y a des "investissements énormes" à faire dans les médias pour faire face aux défis de la digitalisation. Il évoque des "économies d’échelle nécessaires" pour résister à la "concurrence des géants" que représentent les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), auquel on peut ajouter des groupes comme Netflix ou Disney et leurs plateformes de contenus.