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RTL Belgique, à vendre, pourrait être racheté par Rossel et DPG : quel impact pour le paysage médiatique et le public ?

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Par Jean-François Noulet

RTL Belgique, qui regroupe différentes chaînes de radio et TV en Belgique, dont RTL-TVI, Plug RTL, Bel RTL et Contact est à vendre. La maison mère, le groupe allemand RTL a décidé de se séparer de plusieurs filiales à l’étranger. C’est le cas en France, aux Pays-Bas et en Belgique. Plusieurs candidats se sont montrés intéressés par l’acquisition de RTL Belgique. Un dossier retient l’attention et tiendrait la corde : une offre conjointe du groupe de presse Rossel et du groupe DPG. L’un est actif au sud du pays. L’autre au nord.

Un accord proche ?

Plusieurs candidats se sont montrés intéressés. Mercredi, la Libre Belgique citait parmi les candidats acquéreurs le groupe IPM (qui possède notamment La Libre Belgique et la Dernière Heure), un groupe grec, Antenna et deux candidats associés Rossel et DPG.

L’accord serait proche, à en croire l’Echo de ce jeudi 24 juin qui explique que Rossel et DPG auraient déposé une offre de 250 millions pour acquérir les entités d’RTL Belgique et auraient des chances de l’emporter. RTL Belgique, ce sont les chaînes de télévision RTL TVI, Club RTL et Plug RTL. Ce sont aussi des chaînes de radio comme Bel RTL, Radio Contact et la web radio Mint. C’est enfin la plateforme de streaming RTL Play, le site web RTLInfo et IP, une régie publicitaire.

De l’autre côté, Rossel possède Le Soir, Sud Presse, Vlan, toute une série de titres en France, dont la Voix du Nord. Rossel est déjà en partenariat avec RTL Group en Belgique francophone. Le groupe DPG possède de nombreux médias au nord du pays : VTM, De Morgen, Het Laatste Nieuws, Humo, de nombreux autres titres de presse écrite et des chaînes de radio comme Q-Music. Ces listes sont loin d’être exhaustives.

Une logique de constitution de géants nationaux

C’est le constat que fait Bernard Cools, professeur à l’UCLouvain et directeur des études chez Space Agence Média, spécialiste de la socioéconomie des médias. Pour lui, la décision du groupe allemand RTL de se séparer de filiales à l’étranger pour se recentrer sur le marché allemand a ouvert la porte à des regroupements importants dans les pays où se trouvent ces filiales. "Au niveau français, on a une fusion M6-TF1 qui va constituer un très gros pôle. Aux Pays-Bas, un gros opérateur, Talpa, concurrent d’RTL va également fusionner avec RTL Nederland et couper l’herbe sous le pied de DPG qui se voyait bien en acheteur d’RTL Nederland", explique Bernard Cools. Et en Belgique, il y aurait "constitution possible d’un grand pôle national belge", poursuit-il.

Un rapprochement entre Rossel et DPG ne serait pas surprenant. "Il y a une habitude de collaboration entre les deux. Ils ont été ensemble aux commandes de Mediafin, l’éditeur du Tijd et de l’Echo et ont l’habitude de se parler par-delà la frontière linguistique". Le rapprochement aurait aussi des raisons financières, "Rossel est peut-être un peu court pour racheter RTL Belgique. Du point de vue économique, le fait de s’associer avec DPG Media est intéressant", souligne Bernard Cools. Il y aurait aussi une possibilité de mieux résister à la concurrence de grands groupes internationaux comme Google, Amazon, par exemple.

"En Belgique, nous nous faisons beaucoup de concurrence entre médias du nord et du sud, y compris au niveau commercial, alors qu’aujourd’hui, les GAFA, Google Facebook et les autres ont tendance à aborder le marché publicitaire belge de manière globale, comme un seul territoire", analyse Bernard Cools. Se regrouper au niveau belge permettrait "d’arriver avec des solutions larges et qualitatives par rapport aux annonceurs", explique Bernard Cools.

Reste à voir ce que cela changera pour les médias eux-mêmes, notamment ceux qui constituent actuellement le groupe RTL Belgique. Pour Bernard Cools, RTL Belgique est "appelé à changer assez fort". Pour lui, "il y a un certain retard au niveau digital, connu et qui doit être comblé. Au niveau de DPG, et même de Rossel, il y a une compétence digitale certaine qui va sans doute influer sur la conduite des affaires chez RTL". Jusqu’à présent, RTL Belgique dépendait aussi en partie des programmes de M6 pour remplir ses grilles. "Cela pourrait ne plus l’être", se demande Bernard Cools. Dans quelle mesure la présence d’RTL et de VTM dans un même groupe permettrait-elle d’alimenter RTL en versions francophones de programmes flamands ? "Jusqu’à présent, cela n’a pas bien fonctionné", souligne Bernard Cools, faisant référence à la déclinaison de fictions flamandes au sud du pays.

Mais pour Bernard Cools, cette logique de regroupement est inévitable. "Ce serait difficile de faire autrement", estime-t-il, car il y a des "investissements énormes" à faire dans les médias pour faire face aux défis de la digitalisation. Il évoque des "économies d’échelle nécessaires" pour résister à la "concurrence des géants" que représentent les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon), auquel on peut ajouter des groupes comme Netflix ou Disney et leurs plateformes de contenus.

Certains s’inquiètent de ce possible rapprochement

Professeur de socioéconomie des Médias à l’ULiège, Geoffrey Geuens est assez critique face à un tel projet. "On a de plus en plus l’impression qu’avec cette concentration des médias, on a un même produit qui va prendre la forme de différents emballages et qui risque de se reproduire d’un média à l’autre", réagit-il. Pour lui, atterrissant dans le giron de Rossel et DPG, RTL Belgique arriverait "dans des mains d’acteurs privés qui sont pour l’essentiel des grandes fortunes qui ont des liens très étroits avec la finance et l’industrie". Pour Geoffrey Geuens, cette concentration ne serait pas une bonne chose pour les travailleurs de ces médias à moyen ou long terme. En effet, la mise en place de synergies entre médias, la mise en commun de moyens de productions ou de régies publicitaires pourrait conduire à des suppressions de postes.

Pour Geoffrey Geuens, les regroupements ne sont pas bons non plus pour le grand public. "La menace, c’est d’arriver à des produits qui sont similaires et qui s’éloignent de plus en plus de ce que nous imaginons être des standards de qualité pour l’information et de toute façon, ça met en péril le pluralisme démocratique", ajoute le Prof. Geoffrey Geuens.

Ce professeur s’inquiète aussi pour la concurrence. "Plus on a des oligopoles ou des mastodontes, plus les choses vont être difficiles pour les autres", analyse Geoffrey Geuens. "Quelle place va-t-il rester pour les acteurs secondaires", se demande-t-il ? "C’est une menace aussi pour les acteurs privés de second ou troisième rang et pour les acteurs publics très probablement […]. Plus vous avez des groupes industriels et financiers puissants, plus les choses vont être rendues difficiles pour les autres acteurs", estime Geoffrey Geuens.

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