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Elections régionales à Madrid : une possible coalition des droites (PP, Vox) n’étonne pas les Espagnols

Isabel Diaz Ayuso, candidate du PP à Madrid, dépose son bulletin dans l’urne

© Javier Soriano – AFP

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Par Africa Gordillo

Les quelque 5 millions d’électeurs madrilènes sont appelés aux urnes ce mardi pour les élections de la Communauté autonome de Madrid, un scrutin auquel la droite conservatrice du Parti Populaire donne une valeur de test pour les élections générales. L’enjeu est important : le PP est donné favori mais, selon les sondages, il aurait besoin du parti d’extrême droite Vox pour gouverner. Que le PP et Vox puissent allier leur destin n’a rien d’étonnant en Espagne.

Entre le PP et Vox, une filiation

Le parti espagnol d’extrême droite est en effet issu du Parti Populaire. En 2013, plusieurs membres de la droite conservatrice PP, parmi lesquels l’actuel chef de file de Vox, Santiago Abascal, veulent défendre des idées plus radicales comme l’abolition de l’autonomie des régions. Ces idées, larvées au sein du PP, se sont exprimées librement depuis lors mais le succès n’a pas été immédiatement au rendez-vous.

Il faudra attendre le référendum catalan pour que la formation extrémiste prenne son envol : "En 2017, la crise catalane a joué un rôle extrêmement important en réactivant la question régionale et en suscitant la réaction de toute une frange de la population et des élites politiques, tantôt régionalistes, tantôt unitaristes. Vox est issue de cette réaction à la crise catalane", analyse Arthur Borriello, chargé de recherche FNRS, chercheur en sciences politiques au Cevipol (ULB).

Les élections régionales d’Andalousie consécutives marquent un tournant : Vox entre dans un parlement régional et décroche même un siège de sénateur. Les scrutins suivants ne feront que consolider l’assise de la formation politique. Elle construit plus que jamais un discours unitariste, anti-islam, eurosceptique et antiféministe.


►►► Pour compléter : Balles et couteau ensanglanté assombrissent une campagne électorale déjà obscurcie


 

La campagne agressive de Vox

Lors de cette dernière campagne à Madrid, le parti extrémiste déclenche d’ailleurs un tollé dans la péninsule avec une affiche s’adressant aux jeunes et affirmant à tort que les mineurs étrangers non accompagnés perçoivent 4700 euros, soit une mensualité dix fois plus élevée que la pension "de ta grand-mère".

Vox met par ailleurs en doute la parole du secrétaire général de la gauche radicale Podemos, Pablo Iglesias, quand ce dernier évoque la présence de balles dans une lettre de menaces qui lui est adressée. Après cet incident survenu sur la chaîne de radio Cadena Ser, Pablo Iglesias refuse de participer aux débats électoraux (une demi-douzaine de lettres de menaces ont par ailleurs été envoyées à d’autres responsables politiques). Un signe de plus du climat de tension présent dans la campagne électorale, extrêmement offensif à l’égard de la gauche, tant de Podemos que du PSOE, au pouvoir au national.

"Vox est la version radicalisée du PP"

Pour le politologue du Cevipol, Arthur Borriello, "Vox est la version plus radicalisée du Parti Populaire. La question qui se pose ce mardi est celle de l’hégémonie à droite. Vox en est loin mais oblige le PP à radicaliser son discours, sachant que le centre se réduit comme peau de chagrin. Le parti libéral Ciudadanos pourrait ainsi perdre sa représentation au parlement de Madrid s’il n’obtient pas le seuil minimum de 5% des voix, ce que prédisent certains sondages."

Bref, plusieurs signaux montrent que le principal concurrent du Parti Populaire est à sa droite, avec Vox. "La tendance générale est à la polarisation du champ politique espagnol avec la disparition du centre", poursuit Arthur Borriello.

Isabel Diaz Ayuso l’a bien compris en menant campagne sur le thème des libertés alors que Madrid affiche l’un des pires bilans de la crise du coronavirus en Espagne. Certains observateurs la qualifient de version espagnole de Donald Trump.

Un paysage politique polarisé et morcelé

"La crise économique que l’Espagne a traversée entre 2010 et 2014 a profondément bouleversé la politique espagnole", analyse le politologue Arthur Borriello. "Avant cette crise, elle était bipolaire ; elle comptait la droite conservatrice du PP, les socialistes du PSOE et quelques formations régionalistes."

"Après la crise, des partis comme Podemos ou Ciudadanos, voire Vox (le dernier en date) se sont créés sur un message qui niait l’antagonisme gauche-droite. Ils voulaient incarner quelque chose de nouveau." Seulement, la situation a évolué et les deux blocs (gauche-droite) se sont recomposés, de manière plus fragmentée. Le paysage politique espagnol n’a même jamais été aussi morcelé et… polarisé.

 

L'ombre de Franco

Quant à l'ombre du dictateur Franco, elle ne cesse de planer sur un pays qui n'a pas pansé ses plaies : "C'est lié à la transition démocratique après la dictature de Franco, à l'oubli de ce qui s'est passé (pendant la guerre civile et la dictature, ndlr) pour assurer une stabilité dans la transition démocratique. Tout ressort aujourd'hui parce que certaines formations se réclament du franquisme. Et, dans le même temps, des partis comme Podemos (et le PSOE, ndlr) réclament la fin de l'oubli, politisent des questions mémorielles comme l'exhumation de la dépouille de Franco."

La composition du prochain parlement de la Communauté autonome de Madrid est dans les mains des électeurs ce mercredi. Vont-ils donner raison aux sondages ou les contredire ? Le PSOE du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez et son allié Podemos n'ont peut-être pas dit leur dernier mot. Les bureaux de vote fermeront ce mercredi soir à 20 heures. Les résultats sont attendus dans la soirée.

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