Comment les abeilles captent le nectar : une étude belge s'intéresse à leur drôle de langue

La langue des abeilles est adaptée au nectar des fleurs... à condition qu'il ne soit pas trop sucré.

© PHILIPPE HUGUEN - AFP

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Par Pierre Wuidart et Thibaut Deplanque

Qu’est-ce qui est long, poilu et vif comme l’éclair ? La langue des abeilles, bien sûr. Des chercheurs de l’UMons et de l’ULB ont analysé comment ces insectes utilisent cet organe remarquable pour capter le nectar dans les fleurs qu’ils butinent. Et pour ce faire, pas de voyage d’étude dans un champ fleuri, mais une expérience en laboratoire avec des abeilles ou des bourdons affamés. "On les a placés face à un petit tube rempli d’eau sucrée et on a observé les mouvements de leur langue pour capter ce liquide", explique Denis Michez, zoologiste à l’UMONS.

Une caméra placée au-dessus de la scène a immortalisé les lapements : cinq par seconde en moyenne. Et le tube diminue à vue d’œil. "Ce qui permet à l’abeille d’ingérer aussi rapidement le nectar, ce sont ses papilles en forme de poils." Lorsque la langue est immergée dans le nectar, les papilles s’ouvrent comme le feraient les poils d’un pinceau. La présence de ces excroissances permet donc d’emprisonner une quantité plus importante de nectar par rapport à une langue qui en serait dépourvue. Mais ce système est beaucoup moins efficace au-delà d’un certain seuil. "Quand il y a plus 60% de teneur en sucre dans le liquide, celui-ci est plus visqueux et les poils y pénètrent moins facilement", explique Fabian Brau, physicien à l’ULB.

Dans cette vidéo, vous pouvez observer 1. le lapement d’une abeille à vitesse réelle, puis 2. en gros plan et ralenti trente fois dans un nectar liquide, et enfin 3. dans un nectar visqueux.

Comment les abeilles lapent le nectar: la video de l'étude

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Les plantes et les pollinisateurs coadaptés

Plus la teneur en sucre du nectar d’une plante est élevée, plus l’apport énergétique sera important pour l’abeille. Encore faut-il que ce "sirop" ne soit donc pas trop épais pour pouvoir l’absorber. Cette étude montre que la valeur précise de cette concentration limite en sucre est déterminée par le rapport entre la longueur et le diamètre des papilles. Une corrélation entre la morphologie des langues d’abeille et la viscosité du nectar qu’il aurait été difficile de prédire a priori et qui met en évidence un processus de coadaptation des plantes et de leurs pollinisateurs.

Face aux dangers qui menacent les abeilles, les études fondamentales comme celles-ci jouent un rôle important, selon Denis Michez : "En connaissant mieux les exigences des abeilles, on peut déterminer quelles plantes leur conviennent le mieux. Par ailleurs, le réchauffement climatique pourrait aussi influencer la qualité du nectar et sa teneur en sucre. Et cela aurait un impact sur les populations d’abeilles qui s’en nourrissent."

Les papilles...
d'une langue...
d'abeille.

Pour Denis Michez, quelle que soit l’ampleur de l’impact du réchauffement climatique sur le nectar des fleurs, une des solutions est de développer la biodiversité. Pour que les abeilles puissent toujours trouver un nectar adapté.

Cette étude transdisciplinaire et conjointe entre deux universités belges vient d’être publiée dans la revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences). Elle a impliqué des chercheurs de l’unité de chimie physique non linéaire de la Faculté des Sciences de l’ULB, du laboratoire "interfaces & fluides complexes" de l’UMONS et du laboratoire de zoologie de l’UMONS avec le soutien du Fonds de la recherche scientifique.

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