Les Etats-Unis pourront-il sortir de leur dépendance aux énergies fossiles ?
"Joe Biden ne va pas se passer des combustibles fossiles, parce qu’il ne peut pas s’en passer", analyse Francis Perrin, spécialiste des énergies à l’IRIS. "Les énergies fossiles sont essentielles aujourd’hui pour les Etats-Unis, et elles resteront essentielles pendant encore pas mal de temps. Par ailleurs, Joe Biden a dit que le charbon posait certes des problèmes de pollution, mais qu’il ne fallait pas laisser tomber les mineurs de charbon, plutôt les accompagner dans la transition".
Selon Jean-François Boittin, spécialiste de la politique économique américaine, les Etats-Unis pourront se passer des énergies fossiles, mais à long terme. "Un horizon de trente ans, c’est parfaitement possible. C’est même peut-être plus facile aux Etats-Unis qu’en Europe, parce qu’il y a un environnement qui facilite le recours, par exemple, à l’éolien. Au Texas, on peut mettre autant d’éolienne qu’on veut, ça ne gênera personne. Dans l’Iowa et même tout le mid-ouest, les possibilités d’installations sont illimitées".
"Mais encore une fois", ajoute Jean-François Boittin, "même si du point de vue du climat, la production de gaz naturel n’est pas une panacée, en raison des émissions carbone - qui peuvent cependant être réglementées - c’est un peu la solution idéale pour une transition…".
Les Etats-Unis vont donc continuer à émettre beaucoup d’émissions carbones, pendant la durée de cette transition annoncée. La nature ne pourra pas tout absorber. Le nouveau gouvernement compte alors sur la technologie pour capturer une partie de ces émissions…
Comment Joe Biden compte-t-il financer son programme ?
C’est l’un des reproches qui lui est fait : rien n’indique dans son plan, comment il compte trouver les 2000 milliards de dollars qu’il promet d’investir dans la transition verte. Dans son entourage, on évoque une augmentation du taux d'imposition des sociétés. Les Américains les plus fortunés pourraient également être mis à contribution. Nombreux sont ceux qui craignent une augmentation des taxes. D'autres pensent qu'un tel plan n’est tout simplement, pas réaliste et qu’il ne passera pas au Congrès.
En attendant, ce plan d'investissement, se heurte à l'opposition des républicains, au Congrès. "L’argument économique est un mauvais argument", note Ryan Schleeter, responsable communication à Greenpeace, San Francisco. "Parce que les effets du changement climatique ont un coût bien plus grand, que si l’on ne fait rien. L’impact économique des catastrophes, des phénomènes météorologiques extrêmes, coûtent déjà des millions de dollars, en plus de tuer des gens à cause de la pollution".
Joe Biden lui-même a vanté au premier du sommet, les bénéfices économiques "extraordinaires" liés à la lutte contre le réchauffement et mis en garde contre "le coût de l'inaction".
De fait, selon une récente étude menée par l’université de Stanford, les coûts de la pollution aux Etats-Unis ont fortement diminué depuis 2008. Mais ils représentent encore près de 4% du PIB annuel. Des frais médicaux liées aux maladies causées par les particules fines, ou encore des coûts pour réparer des dégâts environnementaux.
Il n’est pas certain que Joe Biden fasse le plein des voix démocrates dans les deux chambres
L’avantage pour l’administration Biden, c’est que les démocrates contrôlent la Chambre des représentants, en plus de la Maison Blanche. Le Sénat est partagé à égalité entre démocrates et républicains, mais avec la voix de la vice-présidente, Kamala Harris, il bascule dans le camp démocrate. Autant dire, une majorité très étroite.
"Il n’est pas certain que Joe Biden fasse le plein des voix démocrates dans les deux chambres du Congrès", analyse Francis Perrin. "En particulier pour des sujets sensibles, liés aux hydrocarbures, pétrole et gaz naturel. Lorsqu’on représente un état producteur de pétrole ou de gaz naturel, on a beau être démocrate, cela ne signifie pas qu’on s’oppose aux énergies fossiles. Donc l’aspect épigraphique est également très important dans les choix des membres du Congrès".
Pour Dallas Burtraw, économiste à l’Institut Ressources pour le Futur, à Washington, spécialiste des politiques environnementales, le rôle des états est fondamental, ainsi que leur coopération avec le niveau fédéral. "Ce qui se passe au niveau des états est très important aux Etats-Unis", explique-t-il. "Les actions à leurs niveaux ont eu le plus d’effet durable, ces vingt dernières années. Et à l’avenir, je pense que les états fédérés joueront un rôle moteur dans l’innovation. Les interactions entre les Agences fédérales et les états qui tentent de faire des choses, seront la clé. Aux Etats-Unis, nous appelons cela le fédéralisme coopératif".
La réussite de Joe Biden dépendra de deux facteurs, au moins : sa capacité à faire passer des lois au Congrès. Et sa capacité à mettre en œuvre une bonne gouvernance élaborée en consultation avec les Etats fédérés, et cela compte tenu de leurs ressources naturelles et de leur situation géographique.