En Inde, un variant "double mutant" suspecté de relancer l’épidémie de covid-19 à un rythme inquiétant

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Par Adeline Louvigny

Depuis mi-mars, le nombre de contaminations et de décès covid-19 suit une inquiétante croissance exponentielle en Inde : plus de 200.000 cas quotidiens ont été rapportés depuis plusieurs jours dans le pays au 1.393 milliard d’habitants. Face à cette reprise de l’épidémie, les yeux des scientifiques sont braqués sur un variant particulier : le B.1.617, logiquement appelé variant indien. Il présente une double mutation qui fait craindre à certains experts qu’il pourrait présenter de plus grandes capacités de transmission et une plus grande résistance aux vaccins.

Evolution de l’épidémie de coronavirus dans les six pays les plus peuplés au monde :


Nombre de contaminations par million d’habitants

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Comment les variants se déploient ?

L’apparition de nombreux variants est une évolution logique dans l’épidémie : le SARS-CoV-2 est un virus à ARN, qui sont des véritables machines à évoluer. La machinerie qui leur sert à recopier leur ARN, en vue de se démultiplier, commet pas mal d’erreurs, créant ces fameuses mutations. Si la plupart seront anodines, certaines seront mortelles (pour le virus), et quelques-unes se révéleront être des avantages évolutifs, qui permettront au virus d’être plus performant : plus contagieux par exemple. Plus un variant sera performant par rapport à d’autres, plus il deviendra majoritaire dans les contaminations. C’est par exemple ce qu’il s’est passé pour le variant britannique, qui est devenu le principal variant dans de nombreux pays européens, dont la Belgique (on estime qu’il représente actuellement 86% des infections). La communauté scientifique, qui suit de très près l’évolution génomique du SARS-CoV-2, classe les variants selon leur capacité à se développer dans une population :

  • Un "Variant of Interest" (VoI) est un variant nouvellement identifié, qui semble former des foyers épidémiologiques, mais dont on ne connaît pas encore les capacités de contaminations, ou l’agressivité.
  • Un "Variant of Concern" (VoC) est un variant dont il a été prouvé scientifiquement qu’il est plus contagieux ou cause des cas plus sévères
  • Un "Variant of High Consequence" entraîne des cas plus graves, un plus grand nombre d’hospitalisations, et présente des résistances face aux traitements, aux vaccins.

 

Le "double mutant"

Le variant indien, qui a été identifié fin décembre, est toujours un VoI, car "un plus haut taux de contagiosité n’a pas encore été prouvé", a déclaré le gouvernement indien le 16 avril. Ce variant B.1.617 est aussi appelé "double mutant", car il porte deux mutations. Les mutations multiples ne sont pas du tout rares : les variants brésiliens et sud-africains portent par exemple trois mutations sur la protéine spike, la protéine membranaire qui permet au virus de s’accrocher et infecter les cellules hôtes.

Le variant indien porte lui les mutations E484Q (aussi présentes chez le Brésilien et le Sud-Africain), et L452R. Ces deux mutations ont déjà été observées de manière séparée, mais jamais ensemble sur un même variant, selon Jesse Bloom, professeur de génomique de l’Université de Washington, interrogé par Bloomberg. Ces deux mutations sont connues pour diminuer l’affinité des anticorps au virus, réduisant par là potentiellement leur capacité à combattre le virus. La mutation L452R, elle, est connue pour augmenter la contagiosité de 20%, d’où l’inquiétude face à ce double mutant.

Selon les autorités indiennes, cette double mutation a également été retrouvée dans d’autres pays, comme l’Australie, l’Allemagne, le Royaume-Uni et chez nous, en Belgique (moins d’1% des contaminations fin mars). Mais c’est en Inde que ce double mutant semble prendre son essor : alors qu’il ne représentait que quelques pourcents des contaminations en janvier, il constitue désormais la moitié des infections, selon des chiffres rapportés par Bloomberg, basés sur le site outbreak.info.

Outbreak, qui utilise les bases de données en open access de GISAID, permet également d’analyser la répartition géographique du variant, qui se retrouve principalement dans le sud-ouest de l’Inde.

Prévalence (proportion des cas) géographique du variant indien, depuis le début de sa découverte, fin décembre. Cela ne représente donc pas sa prévalence actuelle, qui est proche des 50%, globalement. C’est une estimation plus ou moins précise de la préva
Prévalence (proportion des cas) géographique du variant indien, depuis le début de sa découverte, fin décembre. Cela ne représente donc pas sa prévalence actuelle, qui est proche des 50%, globalement. C’est une estimation plus ou moins précise de la préva © Julia L. Mullen, Ginger Tsueng, Alaa Abdel Latif, Manar Alkuzweny, Marco Cano, Emily Haag, Jerry Zhou, Mark Zeller, Nate Matteson, Kristian G. Andersen, Chunlei Wu, Andrew I. Su, Karthik Gangavarapu, Laura D. Hughes, and the Center for Viral Systems Biolo

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