Anderlues : l'impasse politique pourrait coûter cher à la commune

Conseil communal à distance pour ce vote du budget 2021 à Anderlues. Mais la distance n'a pas apaisé les tensions, loin de là.

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Par Cédric Loriaux

Le spectacle a duré plus de six heures mardi soir. Un spectacle haut en couleur, retransmis en direct sur YouTube, mais qui n’a fait rire personne. A l’ordre du jour de ce conseil communal d’Anderlues, où chacun est chez soi ou dans son bureau devant sa webcam, le fameux débat et vote du budget 2021. On sait d’avance que la séance risque de faire des étincelles puisque le parti socialiste au pouvoir n’a plus de majorité suite aux départs de quatre de leurs membres, dont deux échevins qui n’ont désormais plus d’attributions mais qui siègent toujours au sein du collège communal (groupe dissident que l’on surnomme "le groupe Zanola" du nom du premier échevin Rudy Zanola). La nouvelle bourgmestre, Virginie Gonzalez, qui a succédé à son compagnon Philippe Tison en novembre dernier, n’a donc plus les coudées franches pour mener sa politique. La voilà contrainte et forcée de devoir s’entendre avec l’opposition AJC (Anderlues J’y Crois) ou avec le groupe Zanola pour faire avancer les choses. Mais on est encore très très loin du compte.

"Madame Gonzalez, si je comprends bien, j’ai l’impression que vous avez eu la folie politique de proposer un budget au vote qui n’a pas la majorité", lance Hadrien Polain, le chef de file d’AJC. Le ton est donné. Entre invectives, mépris, colère et frustration, la tension est permanente. Ce conseil communal a quelque chose de surréaliste, d’inquiétant même parfois. On apprend ainsi que l’échevin Michaël Guyot (du groupe Zanola) a dû débourser trente euros pour obtenir une copie manuscrite du projet de budget pour l’étudier. Mais qu’en plus, il ne l’a pas reçue ! Cela fait des mois que l’opposition AJC et le groupe Zanola dénoncent le manque d’écoute, l’impréparation des dossiers, le non-respect des procédures. "Depuis le mois de septembre 2020, on a transmis à plusieurs reprises des demandes de modifications, des demandes d’explications sans jamais avoir de réponse de la part du PS", nous explique Hadrien Polain. "Et puis on arrive au vote. Aucun de nos amendements n’a été pris en compte. Et on a une cheffe de l’exécutif communal qui arrive au conseil sans majorité pour voter un budget. C’est inouï, du jamais vu. Je ne sais pas si on est dans une forme de déni de la réalité ou dans un manque de capacités.", poursuit-il. La bourgmestre rétorque d’emblée que deux réunions budgétaires préparatoires ont été organisées où l’opposition aurait pu faire valoir ses amendements et demander des explications sur certaines dépenses ou recettes prévues mais qu’aucun membre ni d’AJC ni du groupe Zanola n’y a participé. "C’est purement et simplement de la mauvaise foi de leur part. Leur but, c’est de bloquer le développement de notre commune", réagit Virginie Gonzalez. "Nous avons des circulaires budgétaires imposées par la région wallonne que nous devons respecter. Nous ne travaillons pas comme des amateurs. Ici, je pense qu’ils jouent aux apprentis sorciers. C’est faire preuve d’incohérence et d’amateurisme pour le fonctionnement de la commune."

Au bout du compte, pour sauver les meubles et ne pas bloquer complètement la commune, le vote a été scindé en deux. Le budget ordinaire, celui qui permet de faire fonctionner les services communaux ou de payer les salaires, a été approuvé sauf sur une soixantaine de points où il n’y a pas eu d’accord et où il faudra réaliser au fil des mois des modifications budgétaires. Le budget extraordinaire, celui qui concerne les investissements et les projets politiques, a lui forcément été rejeté puisqu’il n’y a pas de majorité à Anderlues. Pour la bourgmestre, le rejet du budget extraordinaire est très préjudiciable pour la commune et son personnel : "Il met toute son énergie et sa motivation pour faire avancer des dossiers, pour aller trouver des subsides. Et in fine, tous les projets tombent à l’eau", déplore Virginie Gonzalez. "Ce qui risque aussi à l’avenir de nous faire perdre d’autres subsides puisque quand on va frapper à la porte de la région wallonne lors d’appels à projets, elle nous répond. Mais là elle n’y répondra plus favorablement."

Comment faire dès lors pour sortir de l’impasse ? Des propositions de nouvelles majorités regroupant le PS, AJC et les 4 dissidents du groupe Zanola ont été faites mais elles n’ont pas abouti jusqu’ici. Et vu le malaise si profond, les rancœurs si tenaces, les tensions si violentes, les visions si opposées, on a un peu de mal à imaginer ces trois groupes politiques capables de négocier une sortie de crise dans la sérénité et le compromis. "C’est très frustrant car quand on s’engage en politique, ce n’est pas pour se chamailler en permanence comme le groupe socialiste nous y force", nous dit Hadrien Polain. "Nous voulons saisir les pistes qui sont sur la table. Le PS national a proposé un accord entre les trois groupes. Le groupe Zanola a marqué son accord. De notre côté, AJC, nous sommes d’accord d’entrer en négociation. Mais on attend toujours la réponse du clan Tison-Gonzalez qui continue de trouver des excuses pour ne pas entamer les discussions. Je ne comprends vraiment pas ce plaisir à faire durer ce carnage politique", conclut le chef de l’opposition. La bourgmestre a, elle, une autre lecture de la situation. "AJC est composé de différentes formations politiques. Je leur ai déjà proposé de former une nouvelle majorité mais ils font la sourde oreille et préfèrent apparemment rester dans l’opposition jusqu’aux prochaines élections communales", nous explique Virginie Gonzalez. "J’en appelle aussi aux Pouvoirs locaux pour qu’ils puissent nous aider et nous envoyer un commissaire spécial. Je ne vois pas vraiment d’issue. A moins de revoter, ce qui ne me dérangerait pas et ce qui est tout à fait possible et prévu par le code de la démocratie locale. Pourquoi pas ? Au moins les choses seraient claires pour former un nouveau pacte de majorité et débloquer la situation", dit-elle. Alors un compromis est-il encore possible à Anderlues pour éviter un retour aux urnes ? Certainement pas dans le climat glacial actuel.

 

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