Belgique

"Les gouvernements décident en opposition au citoyen" selon la présidente de la Ligue des droits humains invitée à Jeudi en Prime

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Par Jean-François Noulet

Olivia Venet, la Présidente de la Ligue des droits humains était l’invitée de l’émission Jeudi en Prime, sur la Une, après le Journal télévisé. L’organisation a intenté plusieurs actions en justice contre les mesures prises pour lutter contre la propagation du Covid 19, notamment des arrêtés ministériels pris par le gouvernement.

Dans le viseur de la Ligue, un arrêté sur le traitement des données par l’ONSS

Devant le Conseil d’Etat, la Ligue des droits humains réclame l’annulation d’un arrêté ministériel qui réglemente le traitement et l’utilisation des données personnelles des citoyens. La Présidente de la Ligue des droits humains constate que le traitement des données au cours de cette crise a été "quelque chose d’incroyable".

Tout votre historique de santé

La collecte de données a pris un coup d’accélérateur, notamment la collecte de données de santé, "qui sont des données très sensibles sur les gens, les maladies que vous avez, les maladies que vous avez eues, tout votre historique de santé. On a collecté de plus en plus de données", explique Olivia Venet.

En particulier, un arrêté a interpellé la Ligue des droits humains, il concerne l’ONSS. "Le dernier arrêté, c’est la possibilité pour l’ONSS d’avoir accès aux données des travailleurs. On a beaucoup hésité sur ce recours parce que les travailleurs sont exposés à des risques importants par rapport au Covid et que ça aurait peut-être permis d’identifier des lieux de risque et de mieux protéger les travailleurs."

Le texte est tellement mal fait

"Mais le texte est tellement mal fait. On ne sait pas qui va avoir accès aux données. On ne sait pas quelles données, on ne sait pas quelle finalité, on ne sait pas comment, on ne sait pas pourquoi. Et ça, ça ne va pas", explique Olivia Venet.

La présidente de la Ligue des droits humains ne conteste pas que les intentions du gouvernement soient bonnes, mais il faut, selon elle, des balises claires pour protéger les travailleurs et les citoyens. "Parce que si nos données commencent à être collectées, on ne sait pas qui va avoir accès à ces données. C’est de manière non transparente que différents organismes, des autorités pourraient avoir accès à ces données."

On pourrait imaginer des assurances qui auraient accès aux données

"On pourrait imaginer qu’une promotion, un changement de place, parce qu’il y a des données santé non compatible, vous ne l’aurez pas. On pourrait imaginer des assurances qui auraient accès aux données et qui pourraient augmenter des primes, refuser des assurances à certaines personnes. On pourrait imaginer des refus des remboursements de soins de santé. C’est tout ça, les risques ", poursuit Olivia Venet.

La légalité des arrêtés ministériels "Covid"' contestée

La Ligue des droits Humains a aussi introduit au début de cette semaine une action devant le tribunal pour contester le fait que le gouvernement gouverne par arrêtés et contourne le parlement. La Ligue des droits humains attend que la justice constate l’illégalité des arrêtés ministériels. "Bien sûr que la situation exceptionnelle justifie des mesures exceptionnelles. Maintenant ça fait onze mois qu’on est dans cette situation et ce n’est peut-être pas fini. Donc, il est temps d’avoir une réflexion sur le cadre légal", poursuit Olivia Venet.

Publiés quasiment en catimini

"Ces arrêtés ministériels sont pris par le gouvernement, publiés quasiment en catimini. On vous dit que ça être prolongé jusqu’au premier avril, il faut l’apprendre en lisant le Moniteur belge du dimanche", constate la Présidente de la Ligue des droits humains. Pour la Ligue, c’est au Parlement de contrôler l’exécutif.

Pour la Président de la ligue des droits humains, il y a un énorme problème de communication et un énorme problème de rapport au citoyen. "Je suis choquée de voir que ce sont eux contre nous, que ce sont les gouvernements qui décident en opposition au citoyen alors qu’en fait, celui qui doit agir, c’est le citoyen en solidarité. Le slogan ‘une équipe de 11 millions de Belges' est un bon slogan, mais à quel moment est-on une équipe quand on prend des amendes, des sanctions pénales et des peines de prison ? Si on est une équipe, ce n’est pas ça qu’on dit au citoyen", regrette Olivia Venet.

La future "Loi pandémie", enfin…

Prochainement, le gouvernement déposera un avant-projet de loi, la loi pandémie. Ce type de loi était déjà apparu nécessaire au moment de la grippe H5N1. Il s’agit de fixer un cadre légal pour les mesures qui devraient être prises pour gérer une pandémie. "Ce cadre légal va permettre au moins une chose, c’est un débat démocratique. Il ne faut pas minimiser l’importance du débat. Voir les arguments échangés, voir la contradiction, voir les points de vue différents, c’est ça qui participe à la réalité de l’adhésion à une décision ", explique Olivia Venet.

Le parlement est censé écrire les lois

Le Parlement a reçu l’assurance de recevoir les textes de l’avant-projet de loi de la part du gouvernement. La présidente de la Ligue des droits humains regrette que, dans ce sujet, ce soit le pouvoir exécutif qui soit à la manœuvre et que le pouvoir législatif n’ait pas pris l’initiative de légiférer. "Pour moi, ça a vraiment manqué. Je suis très déçue de voir que les parlementaires continuent à dire qu’ils vont recevoir un projet de loi et qu’ils vont le commenter. Ils ont l’initiative parlementaire. A priori, ce sont eux qui écrivent les lois, c’est le pouvoir législatif. Je pense qu’ils auraient dû prendre l’initiative parlementaire", estime Olivia Venet.

On n’élit pas des partis, on élit des gens

Dans ce dossier comme dans d’autres avant, où les textes de lois arrivent au Parlement, ficelés par les cabinets ministériels, sans que les parlementaires puissent y changer grand-chose, la présidente de la Ligue des droits humains voit le signe d’un affaiblissement du pouvoir législatif. "Il ne faut pas oublier que nos élus, c’est le pouvoir législatif, ce n’est pas le gouvernement. On n’élit pas des partis, on élit des gens qui siègent dans une assemblée. J’aurais souhaité plus d’indépendance de la part des députés de la majorité et de l’opposition qui auraient pu prendre des décisions et dire qu’ils voulaient un projet de loi, en écrire un et proposer des choses et avancer. Ils ont tous les outils pour faire ça", poursuit Olivia Venet.

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