"Pas vacciné avant 2022", au "rythme actuel" ? Pourquoi le raisonnement d'Omnicalculator ne tient pas

 "pas vacciné avant 2022, au "rythme actuel" ? Pourquoi le raisonnement d'Omnicalculator en tient pas

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Par Ambroise Carton

La campagne de vaccination contre le Covid-19 suit son cours… que certains aimeraient plus rapide. Selon les dernières données rendues disponibles par Sciensano, un peu moins de 5% de la population a reçu une première dose de vaccin en date du 23 février (c’est la dernière date disponible).


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Alors, quand allez-vous être vacciné ? Impossible de le dire avec précision. Le site officiel jemevaccine.be donne le planning général suivant :

  • Phase 1A : Vaccination centralisée, groupes à risque hautement prioritaires, en 3 temps :

    • D’abord, les résidents et le personnel des établissements d’hébergement pour personnes âgées
    • Ensuite, les professionnels de soins au sein des hôpitaux, les professionnels de soins œuvrant en première ligne et les institutions collectives de soins (santé mentale, handicap…)
    • Enfin, les autres membres du personnel des hôpitaux et des services de santé
  • Phase 1B : Vaccination centralisée, élargissement des groupes prioritaires :
    • Les personnes âgées de 65 ans et plus
    • Les patients à risque, eux-mêmes divisés en deux catégories : les 45 - 64 ans et les 18-64 ans porteurs de certaines maladies listées sur le site officiel Wallonie.be
    • Les personnes exerçant des fonctions sociales et/ou économiques essentielles
  • Phase 2 : Élargissement à toute la population adulte (ce qu’on a appelé "les groupes à faible risque")

La phase 1A est déjà bien entamée. Le rythme devrait s’accélérer pour arriver à une vaccination du grand public dans le courant du mois de mai.

Un calculateur… qui vous renvoie aux calendes grecques

Dans ce contexte incertain, un site internet vous propose de calculer la date de votre vaccination. Omnicalculator, qui calcule à peu près tout ce qui est calculable, depuis la conversion des grammes en cuillères à soupe jusqu’au rythme cardiaque, fait ce travail en quelques clics.

Il suffit de rentrer quelques paramètres : âge, travailleur essentiel ou non, comorbidités… et le résultat apparaît aussitôt. Verdict pour un homme de 30 ans en bonne santé et en prenant la vitesse de vaccination actuelle : "Etant donné un taux de vaccination de 134.274 par semaine et un taux d’adoption de 63%, vous devez recevoir votre première dose du vaccin entre le 29/12/2021 et le 25/09/2022."

Pas avant la fin de cette année au plus tôt ? Ça fait loin quand même. On pourrait en rire ou s’en inquiéter… Mais ce résultat vaut-il quelque chose ?

Le but, nous explique Salam Moubarak, le cocréateur de ce calculateur, c'est avant tout de simplifier le travail de recherche pour le citoyen. "On a remarqué que, souvent, le gouvernement donne certaines informations, mais [celles-ci] ne permettent pas automatiquement à une personne lambda de savoir quand elle pourra obtenir le vaccin", note cet ingénieur en robotique.

Une question de cadence

Faire le calcul, d’accord. Mais sur la base de quelles données ? Pour donner un délai aussi lointain, le calculateur prend en compte le rythme actuel de 130.000 vaccinations par semaine. C’est notamment avec ça que le système estime qu’il faudrait, dans le cas d’un Belge de 30 ans, plusieurs mois pour avoir son tour dans la file d’attente.

Mais on peut aussi choisir d’appliquer les "projections du gouvernement". Dans ce cas, Omnicalculator devient beaucoup moins pessimiste. "Basé sur votre profil, et sur les projections du gouvernement belge, vous devriez recevoir vos vaccins en juin", nous dit le site. Ce qui est déjà un peu plus conforme aux prévisions. Lundi, en conférence de presse, Sabine Stordeur, coresponsable de la task force vaccination, a en effet déclaré que la vaccination du grand public devrait commencer "dans le courant du mois de mai".

Depuis ce jeudi après-midi, le calculateur propose par défaut les projections du gouvernement, plutôt que le "taux de vaccination réel" qui affiche des délais bien plus longs.

"Si vous gardez le taux réel, c’est que vous voulez savoir, si tout continue à la même cadence, quand est-ce que vous aurez vos vaccins. On est au courant que ça va fort probablement changer de cadence, on sait que ça va s’améliorer", reconnaît Salam Moubarak qui affirme que le but ici "n’est pas de déprimer les gens".

Calendrier de livraison et Région d’appartenance

L’auteur du calculateur ajoute : "On a fait ce calculateur pour plus d’une quinzaine de pays. Les cadences commencent toujours assez bas et ne tardent pas à s’accélérer. Nous gardons à jour ce calculateur quotidiennement. Dès qu’il y a des changements, on change ce taux de vaccination hebdomadaire. Si vous réalisez la simulation dans une ou deux semaines, vous verrez des réponses plus rapprochées et optimistes."

Le site ne prend pas non plus en compte le calendrier de livraisons de vaccins. "C’est le paramètre essentiel qui est à considérer là-dedans en tenant compte pour l’instant d’une incertitude majeure quant à ces dates de livraison, nous rappelle Sabine Stordeur ce jeudi. Même nous, au niveau de la task force, on a eu des estimations. Celles-ci correspondent pour Pfizer, mais elles sont totalement incertaines pour Moderna et AstraZeneca. On a encore une plus grande incertitude sur Johnson&Johnson."

Autre paramètre oublié, souligne Sabine Stordeur, c'est la Région d’appartenance. "Nous établissons un planning général mais, ensuite, chaque Région se l’approprie pour l’appliquer à sa propre population. Je n’ai pas vu, par exemple, dans ce calculateur la Région à laquelle vous appartenez", objecte-t-elle.

Un taux d’adoption qui change la donne

Un dernier élément est flou lui aussi, c’est le "taux d’adoption" qui entre en ligne de compte dans le résultat. "Plus il y a des gens qui acceptent le vaccin, plus il va falloir que vous attendiez avant d’obtenir votre tour", résume Salam Moubarak. Ce taux était jusqu'à ce jeudi matin évalué à 63% par le site qui évoquait "une étude récente de l’Université catholique de Louvain".

Après vérification, Salam Moubarak nous précise ce jeudi après-midi que le chiffre en question a été calculé à partir de données disponibles en cliquant ici sur le site internet de l'UCLouvain. Il s'agit en fait d'une enquête menée en octobre 2020 sur environ 2000 Belges.

"Nous avons additionné la totalité des réponses qui on dit 'certainement oui' [à la vaccination], avec 75% des réponses qui on dit 'probablement oui', et 25% des réponses qui ont dit 'probablement non'", dit-il. Résultat : "Le bon chiffre est de 68%" (plus précisément 67,75)... et donc pas 63%. Cette donnée, qui remonte à plusieurs mois donc, a depuis été ajustée dans le calculateur.

"On a aussi fait l’hypothèse que [ce taux d'adoption] est homogène sur la démographie d’âge. Il se peut très bien que les plus jeunes soient plus réticents que les plus vieux", observe l'ingénieur.

Plus de motivation au nord du pays

Là aussi, Sabine Stordeur a tiqué. "Le taux d’adoption varie selon les catégories d’âge, insiste-t-elle. Il est beaucoup plus important dans les catégories les plus élevées et décroît progressivement pour être plus faible parmi les jeunes qui sont les plus hésitants."

Le "baromètre de motivation" des Belges publié le 11 février dernier par l’Université de Gand, l’UCLouvain et l’ULB donne par ailleurs les indications suivantes : "L’intention de vaccination reste très marquée de manière générale. Pas moins de 70% [des répondants] déclarent vouloir se faire vacciner pour seulement 13% qui n’en ont pas du tout l’intention."

Autre facteur important, là aussi lié aux Régions et détaillé par les auteurs de cette étude : "Du côté des néerlandophones, un peu plus de 75% disent vouloir se faire vacciner et seuls 10% s’y opposent fermement. Ces chiffres passent respectivement à 68% et 14% du côté francophone. Au regard des quelque 77% de personnes désireuses de se faire vacciner observés au début du mois de janvier, on constate donc une légère érosion, surtout marquée au sud du pays, mais ces chiffres restent néanmoins sensiblement plus élevés que ceux récoltés mi-décembre",

Deux bannières publicitaires sur Omnicalculator ce jeudi 25 février 2021.

Des pages vues, beaucoup de pages vues

Alors pourquoi déployer autant d’efforts pour un tel calculateur et en faire, au vu des nombreux relais dans les médias ces derniers jours, une large promotion ? Pour l’argent, bien sûr, comme c’est le cas de la plupart des sites internet qui glissent des cookies et autres bannières publicitaires dans leurs pages. Etant donné l’incertitude autour du calendrier de vaccination dans de nombreux pays, nul doute que le thème est porteur.

"Nous gagnons un petit peu d’argent à partir des pubs qu’on propose sur la page. Il est très important pour qu’on puisse prospérer qu’on ait le plus de visites possibles", confirme Salam Moubarak. Il nous explique que la version britannique du calculateur a ainsi généré plus de 15 millions de pages vues dans les premières semaines qui ont suivi sa mise en ligne.

En Belgique, l'objectif reste de vacciner 70% de la population d'ici mi-2021. "L'ambition, c'est d'y arriver avant l'été. On reste sur cette ambition-là. Et, quoi qu'on en dise, on a beau faire plein de modélisations différentes, on ne bouge pas beaucoup [de cet objectif] jusqu'à présent", conclut Sabine Stordeur.

 

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