Les universitaires belges et les associations étudiantes demandent le retour en code jaune dans l’enseignement supérieur

© Tous droits réservés

Temps de lecture
Par RTBF

Ce mardi, une carte blanche signée par des universitaires et des collectifs étudiants de la Fédération Wallonie-Bruxelles demande un retour au présentiel dans l’enseignement supérieur le plus rapidement possible.

Le titre est sans équivoque : "Rouvrir l’enseignement supérieur à 50% de présence offrira de meilleures garanties sanitaires qu’à 20%, ainsi qu’une pédagogie digne de ce nom". Pour les scientifiques et les associations qui ont signé cette carte blanche, la perspective de pouvoir retourner à un enseignement en présentiel est une bonne nouvelle. Le bémol, pour eux, réside dans la jauge envisagée (20% de présentiel) et dans le fait que cette mesure arrive trop tard.


►►► À lire aussi : Enseignement supérieur : face à la détresse des jeunes, une reprise partielle en présentiel est envisagée au mois de mars


Actuellement, en fait, l’enseignement supérieur est en code rouge, c’est-à-dire que les seules activités pour lesquelles le présentiel est permis sont celles qui demandent du matériel précis.

"Aucun contact en présentiel depuis quatre mois" pour certaines filières

"Dans certaines filières d’étude, ces activités peuvent être significatives dans l’emploi du temps de l’étudiant, mais dans beaucoup d’autres, elles sont tout simplement absentes. En pratique, beaucoup d’étudiants n’ont donc plus eu aucun contact en présentiel, ni avec les enseignants, ni avec d’autres étudiants, depuis bientôt 4 mois (excepté pour un examen ou l’autre)", font remarquer les signataires de la carte blanche.


►►► À lire aussi : Ce qu’il se passera si on déconfine en mars, avril ou mai : voici comment les experts ont calculé l’évolution de l’épidémie


Pour eux, il est indispensable de retourner au présentiel pour préserver la santé mentale des étudiants et favoriser les apprentissages.

Si ces professeurs d’université et ces collectifs sortent du bois, c’est en résonance avec les scénarios de déconfinement présentés hier et avec les déclarations de la ministre de l’enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, qui parlait d’un retour vers le présentiel pour le mois de mars. Sans compter les récentes annonces du retour sur les bancs des étudiants flamands, envisagé pour le 15 mars.

Pour l’instant, c’est une jauge de 20% de présence qui est prévue, ce qu’on appelle un retour "en code orange". Bien que les modalités ne soient pas encore précisées, "cela reviendrait à utiliser la capacité des locaux à concurrence de 20%", estiment les signataires. Or, ils estiment que cette jauge est inefficace et insuffisante.

"Nous souhaitons attirer l’attention sur les risques que ferait courir une réouverture de l’enseignement supérieur à seulement 20%, et les avantages d’une contre-proposition à “50% de remplissage des auditoires", telle que le code jaune l’implémentait il y a quelques mois", expliquent-ils en demandant une rentrée "à 50%".

Les 20% de présentiel posent des problèmes de logistique et d’équité

Les signataires critiquent fortement cette mesure, qu’ils jugent "globalement insuffisante pour permettre un enseignement présentiel de qualité, juste et équitable pour chaque étudiant – épanouissement, équilibre et santé mentale compris, lesquels ont été soumis à rude épreuve au cours des derniers mois".

Selon eux, sur papier, cela reviendrait à faire retourner chaque étudiant sur le campus une fois par semaine. Dans les faits, rétorquent-ils, cela est impossible : les étudiants cumulent des cours dans plusieurs années différentes, ils prennent des cours dans d’autres programmes, les auditoires ou salles consacrées aux travaux pratiques sont souvent trop petits. La présence des étudiants sur le campus serait alors "fragmentée" sur la semaine, avec l’inconvénient de laisser les étudiants livrés à eux-mêmes. Sans compter le casse-tête logistique pour organiser ce présentiel très partiel. Bref, on finirait par privilégier encore le distanciel.

"Une réouverture à 20% ne résout pas les problèmes actuels des étudiants"

C’est ce qu’affirment les signataires de la note, faisant valoir qu’une rentrée à 20% le 1er mars, à neuf semaines de la fin du quadrimestre, "impliquerait que chaque étudiant participerait (un peu moins de) deux fois en présentiel à chacun de ses cours d’ici la fin du quadrimestre".

Un accompagnement insuffisant, qui ne "résoudrait en rien les problèmes actuels des étudiants que sont la perte de motivation et le décrochage, qui amènent avec eux une vague en cours d’anxiété et de dépression".

C’est alors bec et ongles qu’ils défendent le modèle du code jaune, avec présentiel à 50%. "L’application des modalités du code jaune (taux de remplissage de l’ordre de 50%) permet une alternance une semaine sur deux des étudiants pour toutes les activités, ce que nous avons pu organiser tant bien que mal au début de l’année académique 2020-2021. C’est incontestablement plus opérationnalisable tout en accroissant significativement la valeur pédagogique et en étant plus équitable", notent-ils.

Du point de vue du bien-être estudiantin, cela permettrait aussi de "reconnecter les étudiants avec une vie sociale plus rassurante, leur donnant plus facilement l’occasion d’exorciser leur stress actuel et d’extérioriser leur mal-être croissant".

Ils évoquent également l’argument "OMS", affirmant que "le code jaune (“50%”) est plus en phase avec les recommandations OMS correspondant à notre situation épidémiologique actuelle". Concrètement, "le niveau 2 recommandé par l’OMS dans la situation qui prévaut actuellement en Belgique est sans équivoque : ‘Les établissements d’éducation restent ouverts avec des mesures de lutte anti-infectieuse’", argumentent-ils.

Les auditoires sont "safe", les contaminations se font ailleurs

Autre argument avancé par les experts : les auditoires sont des endroits sécurisés en termes sanitaires : nettoyés et aérés régulièrement, munis de gel hydroalcoolique, ils permettent aussi le tracing et notamment le respect de la distanciation sociale, qui est imposée. Le danger se trouve en dehors des auditoires et serait augmenté, notent les signataires, dans le cadre d’un retour à 20%.

S’ils étaient plusieurs jours par semaine sur le campus avec peu de présentiel, "ils se retrouveraient le reste du temps dans les bibliothèques, ou leurs kots, les centres commerciaux (rares infrastructures accessibles) et autres lieux où le cadre est moins présent voire absent, et le risque de contamination plus élevé que dans les auditoires".

La composante psychologique joue aussi en rôle : "La vie en société crée le contrôle social, quand un pseudo-confinement le supprime. Les étudiants, comme tout être social, sont plus naturellement amenés à respecter les mesures dans des situations de collectivité et de visibilité qu’à l’abri des regards", continuent les signataires.


►►► À lire aussi : Vincent Blondel (UCLouvain) souhaite "que ce ne soient pas les étudiants qui payent le prix" de la crise


Pour eux, il s’agit également de prendre en compte les conditions réelles : beaucoup d’étudiants sont rentrés en kot en février malgré le distanciel, une preuve que "cela les aide à garder un rythme de travail, et à entretenir des contacts sociaux avec leurs co-kotteurs".

Cela nous emmène au point suivant, l’impact épidémiologique du distanciel en vigueur.

Quel impact épidémiologique pour la fermeture des auditoires ?

"La fermeture des auditoires le 26 octobre n’a eu aucun impact sur la dynamique de cette vague. Le pic épidémiologique a été atteint début novembre, soit trop tôt pour que ces événements soient liés, et la décroissance s’est opérée avec une pente logarithmique inchangée dans le temps, même après les mesures encore plus restrictives imposées le 2 novembre", affirment les signataires.


►►► A lire aussi : "Sauvez nos enfants !" : Quand la détresse des jeunes mène au drame, le cri d’alarme d’un père


Pour eux, la reprise en code orange, à 50%, qui a eu lieu lors de la rentrée de septembre, n’a pas vraiment eu d’incidence sur la courbe des contaminations. Cet impact qu’ils jugent donc "limité" est à attribuer, selon eux, à plusieurs facteurs détaillés dans la note.

La qualité de l’enseignement souffre du distanciel

Dernier point abordé dans la note, l’aspect pédagogique, fil rouge du texte. Bien que les signataires fassent état de la créativité démontrée par le corps professoral pour adapter les cours, ils estiment que le distanciel n’est pas suffisant.

En revanche, "l’enseignement hybride permet également aux étudiants de décider ce qui leur convient en termes de risque sanitaire personnel. Certains étudiants ont déjà eu la maladie, d’autres sont à risque, ou vivent avec quelqu’un à risque. Redonner un certain contrôle du niveau de risque acceptable pour chaque étudiant (et même chaque professeur) semble également un point essentiel dans la crise psychologique se déroulant actuellement", estiment les signataires.

Face à cela et aux mesures mises en place dans les différentes universités pour limiter les contaminations, ils affirment aussi que la responsabilisation des jeunes joue un rôle capital.


►►► À lire aussi : La bulle pour les étudiants koteurs n’est pas encore d’actualité


"Il faut noter que les interventions éducatives et sociales de nos services de santé ne peuvent être efficaces que si le public auquel elles s’adressent y a accès, ce qui est grandement facilité par un présentiel plus marqué. De plus, l’adhésion des étudiants aux mesures peut être qualifiée de remarquable : ils ont en tout point honoré la confiance qu’on leur avait accordée".

Dans ce contexte, estiment-ils, le code jaune (50%) permettrait de respecter les sensibilités des étudiants et des membres du personnel. "Il est tout à fait possible, et dans l’ADN même du concept, de permettre à chacun de décider entre le présentiel et le distanciel", car chacun et chacune peut choisir sur base de sa situation familiale et personnelle, son ressenti et ses craintes.

"A ce stade de la crise du coronavirus, plus personne ne conteste le fait que les étudiants du supérieur paient un prix particulièrement lourd suite aux mesures prises pour endiguer l’épidémie. Tant leur santé mentale que la qualité de l’enseignement qui leur est proposé doivent redevenir des priorités", concluent-ils.

A l’heure d’écrire ces lignes, la ministre Valérie Glatigny s’est exprimée dans les éditions Sudpresse en clarifiant certains points en vue du Comité de concertation de vendredi. Elle a affirmé que les protocoles de retour des étudiants en présentiel, pour un retour à 20% de présence sur le campus, sont prêts. Elle espère qu’au plus tard pour le 15 mars, les étudiants du supérieur wallons et bruxellois pourront reprendre le chemin du campus.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous