Les ruches kényanes
Après avoir vécu en Égypte, en Algérie, installé des ruches ici et là, cette féministe engagée et revendiquée devient ensuite manager de réseau de femmes cheffes d’entreprises. Dans ce cadre, il y a six ans, elle part pour une mission en Guinée comme experte en entreprenariat féminin en zone rurale. Dès que l’avion atterrit à Conakry, elle se sent particulièrement bien. "On m’a dit ‘bon arrivée tanti’. J’ai été prise d’une joie, ça me convenait bien ce chaos, j’aimais bien l’humanité palpable."
En les observant, j’ai réalisé à quel point les abeilles étaient de sacrés phénomènes
Là-bas, dans les montagnes, elle découvre "des immenses roches à la Jurassic Park, des arbres comme je n’avais jamais vu ça, des feuilles comme des camions." En discutant avec les femmes, elle échange des savoirs. C’est le coup de cœur. Et puis, vient l’heure du grand retour en Belgique. "Je n’avais pas envie de renter. Je me suis dit ‘je ne saurais plus.’"
Elle quitte le plat pays. Elle trouve une maison libre dans les montagnes de Dalaba. "J’ai dit, ‘on la prend’. J’étais en extase dans le jardin." En septembre 2017, elle ouvre officiellement Icones guesthouse Dalaba. "Comme il n’y avait que nous sur cette route qui rejoignait le Sénégal et le Mali, nos cinq chambres étaient quasi complètes tout le temps. Pour le reste, dans les pistes de développement local, j’avais identifié les fruits, les plantes médicinales, la valorisation de l’artisanat local et l’apiculture évidement."
►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe
Les abeilles, son amour de toujours…. Ni une, ni deux, elle installe ses trois premières ruches dans le jardin, des ruches kényanes qui offrent un espace très proche de l'habitat naturel des abeilles qui sont libres de construire leur ruche comme elles l'entendent.
"J’ai rencontré les apiculteurs locaux, hélas, ils utilisaient le feu et détruisaient tout [NDLR, l'apiculture traditionnelle consiste à déloger les abeilles avec du feu, ce qui entraîne souvent des feux de brousse et la déforestation]. J’ai essayé de les convaincre de récolter le miel sans brûler. Depuis que j’étais là, j’essayais aussi de convaincre les gens d’arrêter de pulvériser des produits chimiques. Je me suis dit ‘la solution, ce sont les abeilles, si j’arrive à persuader les femmes maraîchères que les abeilles augmente la pollinisation, donc la rentabilité des cultures, elles ne pulvériseront plus de produits chimiques…’ "
La Guinée, le miel et les abeilles
Elle commence avec ses trois ruches, et travaille avec un voisin (c’est-à-dire quelqu’un qui habite à 12 km !) qui avait été formé par la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture). "J’ai discuté avec les femmes, soi-disant elles ne récoltaient pas le miel et se contentaient de le vendre, mais ce n’était pas vrai. On a décidé de faire faire les ruches et de les donner aux femmes pour qu’elles les mettent dans leur jardin. On a fait un plan de développement pour créer une zone free chimique."
Et c’est ainsi qu’en 2018, elle lance le programme "Cueilleuses de Miel", pour promouvoir une apiculture intuitive et naturelle au cœur du Fouta Djallon en Guinée. 50 ruches kényanes sont confiées aux femmes maraîchères dans les montagnes. Les produits de la ruche sont valorisés localement et sont à la base d’une petite gamme de soins, baumes, élixirs, propolis et miel…
À travers ce projet, Virginie Pierre espère alors contribuer à leur autonomie financière, à l’éducation des enfants, et à la préservation d’un écosystème fragile bien qu’extraordinaire.
"J’étais très heureuse, mais tout n’était pas rose. Il y avait le paludisme qui continue de faire des milliers de morts, les voleurs, les feux de brousse. Malgré tout, moi, je planais dans mon jardin avec les abeilles."
Pendant plusieurs années, les affaires roulent, toute une gamme de produits est développée : miel, confiture, savon. Sans oublier l’artisanat : les paniers et les pots. Et puis, les revenus de la guest house. "Grâce à l’argent des réservations, on était prêts pour installer une miellerie."