L’ONU condamne l'usage de la force et déplore “de nombreux blessés” en Birmanie
L'ONU a condamné mardi l'usage "disproportionné" de la force à l'encontre de manifestants opposés au coup d'État du 1er février en Birmanie, déplorant "de nombreux protestataires blessés, dont certains gravement" après que la police a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes.
"Le recours à une force disproportionnée contre les manifestants est inacceptable", a déclaré dans un communiqué Ola Almgren, coordonnateur résident des Nations unies en Birmanie. "De nombreux protestataires ont été blessés, dont certains gravement", d'après des rapports reçus de plusieurs villes du pays, a-t-il ajouté. Il était à ce stade impossible d'obtenir une estimation du nombre de blessés auprès des hôpitaux. Mais la tension est montée d'un cran mardi, l'armée ayant menacé la veille les contestataires de représailles.
À Naypyidaw, la capitale construite par la junte au cœur de la jungle, "la police a tiré des balles en caoutchouc sur des manifestants", selon une habitante. "On a tiré sur mon fils qui tentait d'utiliser un mégaphone pour demander aux gens de manifester pacifiquement", a raconté Tun Wai, un orfèvre de 56 ans. "Je suis très inquiet". Un peu plus tôt, les forces de l'ordre ont fait un usage répété des canons à eau contre un petit groupe de contestataires qui refusaient de s'éloigner d'un barrage de la police.
À Mandalay (centre), la deuxième ville du pays, la police a tiré des gaz lacrymogènes "contre des protestataires qui agitaient des drapeaux de la Ligue nationale pour la démocratie", le parti d'Aung San Suu Kyi. Les autorités ont interdit depuis lundi soir les rassemblements de plus de cinq personnes à Rangoun, Napypidaw et dans d'autres villes. Un couvre-feu a été décrété et les manifestants se sont dispersés en début de soirée. "Des actions doivent être prises (...) contre les infractions qui troublent, empêchent et détruisent la stabilité de l'État", a mis en garde la télévision d'État face au vent de fronde qui souffle sur le pays.
Bravant les menaces, les manifestants sont à nouveau descendus mardi dans les rues. Mais les foules ont été moins nombreuses que les jours précédents. À Rangoun, des contestataires se sont rassemblés près du siège de la LND. "Pas de dictature!", "nous voulons notre chef!" Suu Kyi, détenue au secret depuis son arrestation le 1er février, pouvait-on lire sur des banderoles.
Dans un autre quartier de la ville, des dizaines d'enseignants ont défilé, saluant à trois doigts en signe de résistance. "Nous sommes inquiets" mais "nous sommes plus préoccupés par l'avenir de nos enfants", a déclaré Khin Thida Nyein, un professeur.
(la suite ci-dessous)
Inédit depuis 2007
Ces derniers jours, des centaines de milliers de manifestants ont défilé à travers le pays, réclamant la libération des personnes détenues, la fin de la dictature et l'abolition de la constitution de 2008, très favorable à l'armée. Ce vent de contestation est inédit depuis le soulèvement populaire de 2007, la "Révolution de safran" menée par les moines et violemment réprimée par les militaires.
Le risque de répression est réel dans le pays qui a déjà vécu près de 50 ans sous le joug des militaires depuis son indépendance en 1948. Depuis le 1er février, plus de 150 personnes - députés, responsables locaux, activistes - ont été interpellées et sont toujours en détention, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques, basée à Rangoun.
Le commandant en chef de l'armée, Min Aung Hlaing, s'est exprimé pour la première fois lundi soir sur la chaîne de l'armée, Myawaddy TV. Il s'est engagé à "la tenue d'élections libres et justes" à la fin de l'état d'urgence d'un an et a promis un régime militaire "différent" des précédents.
Le putsch du 1er février a mis fin à une brève parenthèse démocratique d'une décennie. L'armée conteste la régularité des législatives de novembre, remportées massivement par la LND. Mais des observateurs internationaux n'ont pas constaté de problèmes majeurs lors de ce scrutin. En réalité, les généraux craignaient de voir leur influence diminuer après la victoire d'Aung San Suu Kyi, qui aurait pu vouloir modifier la Constitution.
Très critiquée il y a encore peu par la communauté internationale pour sa passivité lors des exactions contre les musulmans rohingyas, celle qui a reçu le prix Nobel de la paix, en résidence surveillée pendant 15 ans pour son opposition à la junte, reste adulée dans son pays. L'ex-dirigeante serait "en bonne santé", assignée à résidence à Naypyidaw, d'après son parti.
Le coup d'État a été condamné par les États-Unis, l'Union européenne, le Royaume-Uni et de nombreux autres pays. La Nouvelle-Zélande a annoncé la suspension de ses contacts militaires et politiques de haut niveau avec la Birmanie, devenant le premier pays à décider d'un isolement de la junte.
"Après des années de dur travail pour bâtir une démocratie en Birmanie, je pense que tout Néo-Zélandais doit se sentir catastrophé de voir ce que les militaires ont fait ces derniers jours", a déclaré la Première ministre Jacinda Ardern. Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU va tenir vendredi une session spéciale sur ces événements. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a de son côté appelé à la libération des détenus.
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