Birmanie: Aung San Suu Kyi arrêtée, exhorte la population à "ne pas accepter le coup d'Etat", l'armée promet de nouvelles élections

Le général Min Aung Hlaing, le 19 juillet 2018 à Rangoun

© Ye Aung THU

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Par AFP

La dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, arrêtée lundi lors d'un coup d'Etat, a exhorté la population à "ne pas accepter" ce putsh militaire, d'après une lettre diffusée sur les réseaux sociaux par son parti.

Ce coup d'Etat a été perpétré lundi en Birmanie par la puissante armée qui a arrêté la cheffe de facto du gouvernement civil, proclamé l'état d'urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes.

Ce putsch, immédiatement condamné par plusieurs capitales étrangères, est nécessaire pour préserver la "stabilité" du pays, ont fait savoir les militaires qui ont promis dans un communiqué publié sur Facebook l'organisation de nouvelles élections "libres et équitables", une fois que l'état d'urgence d'un an sera levé.

Ils accusent la commission électorale de ne pas avoir remédié aux "énormes irrégularités" qui ont eu lieu, selon eux, lors des législatives de novembre, remportées massivement par le parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), au pouvoir depuis les élections de 2015.

L'armée promet toutefois de nouvelles élections et un transfert de pouvoir

Les faits : ce que l'on sait

La prix Nobel de la paix, âgée de 75 ans, a été arrêtée tôt dans la matinée ainsi que le président de la République, Win Myint et d'autres responsables du parti, selon Myo Nyunt, porte-parole de la formation. Ils sont détenus à Naypyidaw, la capitale du pays, d'après lui.


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 Le coup d'Etat s'est fait sans effusion de sang, l'armée se contentant de bloquer les routes autour de la capitale avec des soldats en armes et des véhicules blindés, tandis que des hélicoptères la survolaient.

Aung San Suu Kyi a été arrêtée tôt dans la matinée ainsi que le président de la République
Aung San Suu Kyi a été arrêtée tôt dans la matinée ainsi que le président de la République © THET AUNG - AFP

A Rangoun, les militaires se sont notamment emparés de l'hôtel de ville et ont fermé l'accès à l'aéroport international. Plusieurs camions ont traversé à grande vitesse les rues, des partisans de l'armée agitant à leur bord des drapeaux et chantant des hymnes nationalistes, selon des journalistes de l'AFP. Les télécommunications, portables et internet, restaient perturbées et les banques du pays ont été fermées jusqu'à nouvel ordre.

Selon le communiqué de l'armée, Min Aung Hlaing concentre désormais les pouvoirs "législatif, administratif et judiciaire", tandis qu'un autre général, Myint Swe, a été désigné président par intérim, un poste largement honorifique.

Pourquoi ce coup d'état ? Les militaires parlent de fraude électorale

Les militaires dénonçaient depuis plusieurs semaines plus d'une dizaine de millions de cas de fraudes lors des législatives de novembre.

Ils exigeaient que la commission électorale dirigée par le gouvernement publie la liste des électeurs à des fins de vérification, ce que la commission n'a pas fait.

Les craintes se sont encore renforcées quand le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing - sans doute l'homme le plus puissant du pays - avait déclaré que la constitution pouvait être "révoquée" dans certaines circonstances.

Relation compliquée avec l'armée

Ce coup d'Etat intervient alors que le Parlement issu des dernières législatives devait entamer sa première session ce lundi.

La Birmanie est sortie il y a tout juste 10 ans d'un régime militaire au pouvoir pendant presque un demi-siècle. Les deux derniers coups d'Etat depuis l'indépendance du pays en 1948, remontent à 1962 et 1988.

Le parti d'Aung San Suu Kyi, très critiquée à l'international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas (des centaines de milliers d'entre eux ont ont fui en 2017 les exactions de l'armée et se sont réfugiés au Bangladesh voisin) mais toujours adulée par une majorité de la population, avait remporté une victoire écrasante en novembre.

Il s'agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte.

En 2015, la LND avait obtenu une large majorité. Mais elle avait été contrainte à un délicat partage du pouvoir avec l'armée qui contrôle trois ministères clés  (l’Intérieur, la Défense et les Frontières).

"La relation entre le gouvernement et les militaires était compliquée", déclare Hervé Lemahieu, spécialiste auprès de l'institut Lowy en Australie. "Ce régime hybride, pas tout à fait autocratique ni tout à fait démocratique, s’est effondré sous le poids de ses propres contradictions".

Le pays "s'est efforcé ces dix dernières années d’accélérer les réformes (...) c’est un revers" terrible pour la transition démocratique, relève Min Zaw Oo de l'institut birman pour la paix et la sécurité.

Longtemps exilée en Angleterre, Aung San Suu Kyi, aujourd'hui âgée de 75 ans, est rentrée en Birmanie en 1988, devenant la figure de l'opposition face à la dictature militaire.

Elle a passé 15 ans en résidence surveillée avant d'être libérée par l'armée en 2010.

La dirigeante birmane est très soutenue par la population
La dirigeante birmane est très soutenue par la population © LILLIAN SUWANRUMPHA - AFP

Réactions internationales 

Les réactions internationales n'ont pas tardé, condamnant pour la plupart le coup d'état.

États-Unis et l'Australie ont rapidement réagi, appelant à la libération immédiate des dirigeants de la LND et au rétablissement de la démocratie.

"Les États-Unis s'opposent à toute tentative de modifier le résultat des récentes élections (...) et prendront des mesures contre les responsables", a averti la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, dans un communiqué.

"Nous appelons les militaires à respecter l'état de droit, à résoudre les différends par des mécanismes légaux et à libérer immédiatement tous les dirigeants civils et autres personnes détenues illégalement", a fait valoir de son côté la ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a quant à lui "condamné fermement" l'arrestation d'Aung San Suu Kyi. "Ces développements portent un coup dur aux réformes démocratiques en Birmanie".

Et maintenant?

Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Birmanie prévue de longue date pourrait prendre un caractère d'urgence et être avancée en début de semaine en raison des derniers développements, a indiqué à l'AFP un diplomate sous couvert d'anonymat.

Des militaires occupent la mairie de Rangoun

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