En République démocratique du Congo, l’Assemblée nationale a adopté par 367 voix contre sept, une motion de censure contre le Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, et son gouvernement majoritairement pro-Kabila. Le Premier ministre avait été choisi en mai 2019 par Joseph Kabila lui-même.
Analyse avec Dieudonné Wamu Oyatambwe, politologue spécialiste de l’Afrique centrale.
G.K. C’est une nouvelle victoire pour le président Félix Tshisekedi ?
D.W.O : Oui, c’est une nouvelle grande victoire pour le président Félix Tshisekedi. La troisième de la série au moins, si l’on prend le cours des événements depuis le début de l’année passée. La première avait été de modifier la composition de la Cour constitutionnelle. Félix Tshisekedi avait réussi à imposer trois nouveaux juges 'acquis à sa cause'. C’est d’ailleurs ça qui a déclenché la crise politique entre les deux hommes forts du pays, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. L’enjeu étant à terme l’élection présidentielle de 2023.
La deuxième victoire de Tshisekedi, c’est la destitution en décembre dernier, de la présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, également une fidèle de Joseph Kabila. Et la troisième victoire, la plus éclatante aussi bien en nombre de votants que par la portée de la sanction, c’est la destitution du Premier ministre et de son gouvernement.
Cela signifie que le camp de Joseph Kabila qui avait souvent brandi la menace de faire destituer le chef de l’Etat par le Congrès, en l’accusant de violations répétitives, ne pourra plus mettre à exécution sa menace. Puisqu’une destitution doit être validée à la fois par les deux chambres et la Cour constitutionnelle. Or en réformant cet arsenal institutionnel, Félix Tshisekedi a assis son pouvoir et on peut affirmer qu’il commence maintenant sa présidence.
G.K. Pour autant, Joeph Kabila est-il affaibli ?
D.W.O : Pour l’instant oui, il est affaibli politiquement. Joseph Kabila se targuait d’avoir une majorité de plus de 300 députés à l’Assemblée nationale, or c’est une majorité qui vote en défaveur des hommes politiques qu’il a placé au pouvoir. On le voit dans le score des votes qui ont destitué Jeanine Mabunda et Sylvestre Ilunga Ilunkamba. D’un autre côté, on connaît l’homme, il n’a pas dit son dernier mot. On verra quelle contre-offensive il va organiser.
Pour l’instant, il s’obstine à encourager Sylvestre Ilunga Ilunkamba à ne pas démissionner. Mais je pense qu’il devrait prendre du recul et tirer les leçons de la recomposition politique qui est train de se faire à ses dépens, et analyser ses erreurs.