L’interpellation d’Alexeï Navalny condamnée de toutes parts: “Ici, c’est chez moi. Je n’ai pas peur”
mise à jourLe principal opposant russe Alexeï Navalny a été interpellé par la police à son arrivée à l’aéroport Cheremetievo de Moscou, où il s’apprêtait à passer le contrôle des passeports, ont constaté des journalistes de l’AFP sur place.
Les services pénitentiaires russes (FSIN) ont confirmé dans un communiqué avoir arrêté M. Navalny, à qui ils reprochent d’avoir violé les conditions d’une peine de prison avec sursis dont il a écopé en 2014, alors qu’il se trouvait ces cinq derniers mois en convalescence en Allemagne suite à un empoisonnement présumé.
Alors qu’il s’apprêtait à donner son passeport pour le contrôle à la frontière, aux côtés de sa femme Ioulia, l’opposant a été approché par plusieurs policiers en uniforme qui l’ont emmené, ont constaté des journalistes de l’AFP.
“Ici, c’est chez moi. Je n’ai pas peur”
“Ici, c’est chez moi. Je n’ai pas peur (...) car je sais que j’ai raison et que les affaires criminelles lancées contre moi sont montées de toutes pièces. Je n’ai peur de rien et je vous appelle à n’avoir peur de rien”, a déclaré M. Navalny peu avant son arrestation.
Le FSIN a précisé que M. Navalny, 44 ans, “figure sur une liste des personnes recherchées depuis le 29 décembre 2020 pour de multiples violations de sa période probatoire”. “Il restera en détention jusqu’à la décision du tribunal” sur son cas, ajoute-t-il, sans préciser à quelle date elle pourrait avoir lieu.
“Alexeï a été arrêté sans que la raison soit expliquée (...) Ils ne m’ont pas laissé revenir vers lui” après avoir passé la frontière, a indiqué à l’AFP l’avocate de l’opposant Olga Mikhaïlova.
Les services pénitentiaires russes avaient menacé dès jeudi d’arrêter Alexeï Navalny s’il remettait le pied en Russie. Ils lui reprochent de ne pas s’être présenté auprès d’eux deux fois par mois, comme l’exigent les conditions d’une peine de cinq ans de prison avec sursis à laquelle il a été condamné en 2014.
Ils avaient estimé que “le fait de subir des procédures de rééducation n’est pas une raison pour ne pas se présenter à l’enregistrement” à l’inspection pénitentiaire.
Plusieurs proches alliés de M. Navalny ont également été arrêtés dimanche à Moscou.
Charismatique militant anti-corruption et ennemi juré du Kremlin, M. Navalny estime qu’il a été en victime en août d’un empoisonnement par les services de sécurité russes (FSB) sur ordre du président Vladimir Poutine.
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme s’est dit lundi “profondément troublé” par l’arrestation d’Alexeï Navalny et a demandé sa “libération immédiate”.
“Nous sommes profondément troublés par l’arrestation d’Alexeï Navalny, et nous appelons à sa libération immédiate et au respect de ses droits à une procédure régulière conformément à l’Etat de droit”, a indiqué dans un tweet le Haut-Commissariat, dirigé par Michelle Bachelet.
“Nous réitérons notre appel en faveur d’une enquête approfondie et impartiale sur son empoisonnement”, a indiqué également l’organe onusien.
Charles Michel appelle à sa libération
Le président du Conseil européen, Charles Michel, a qualifié d’”inacceptable” l’interpellation de l’opposant russe Alexei Navalny à son arrivée à Moscou.
“J’appelle les autorités russes à sa libération immédiate”, a-t-il écrit dimanche soir sur Twitter, rejoint sur le sujet par le président du parlement européen, David Sassoli.
“L’arrestation d’Alexei Navalny est une offense à la communauté internationale et à l’Europe qui a contribué à lui sauver la vie”, a tweeté ce dernier en assurant être prêt à inviter l’opposant russe au parlement européen.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a à son tour appelé lundi à la libération de l’opposant russe. “Je condamne l’arrestation d’Alexei Navalny hier par les autorités russes, à son retour en Russie. Les autorités russes doivent le libérer immédiatement et assurer sa sécurité”, a affirmé la cheffe de l’exécutif européen dans un communiqué.
Mme von der Leyen souligne que la détention d’opposants politiques va à l’encontre des engagements internationaux de la Russie. “Nous continuons aussi d’attendre une enquête approfondie et indépendante sur l’attaque portée contre la vie d’Alexei Navalny”, ajoute-t-elle en référence à l’empoisonnement dont ce dernier a été victime, et qui lui a valu une longue convalescence en Allemagne.
Wilmès: Alexei Navalny “doit être libéré”
“Notre message est fort au sujet de l’arrestation d’Alexei Navalny. Ses droits doivent être respectés. Il doit être libéré”, a tweeté dimanche soir la ministre belge des Affaires étrangères, Sophie Wilmès.
“Les États-Unis condamnent fermement la décision de la Russie d’arrêter Alexeï Navalny”, a déclaré le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo dans un communiqué, estimant “que sa détention est la dernière d’une série de tentatives pour faire taire Navalny et d’autres personnalités de l’opposition et voix indépendantes qui critiquent les autorités russes”.
Le futur conseiller à la sécurité nationale du président élu américain Joe Biden, Jake Sullivan, a également appelé à la libération de l’opposant et à “tenir responsables” les auteurs de son empoisonnement en août.
Le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas a lui aussi appelé la Russie à “libérer immédiatement” l’opposant russe. Alexei Navalny, rétabli après un empoisonnement présumé en août, “a pris la décision consciente de retourner en Russie parce qu’il y voit sa maison personnelle et politique”, et le fait qu’il ait été arrêté par les autorités russes dès son arrivée “est totalement incompréhensible”, selon M.Maas.
La Russie demande aux dirigeants étrangers de se mêler de leurs problèmes
La Lituanie a appelé à adopter de nouvelles sanctions contre Moscou et la Pologne à une “réponse rapide et sans équivoque au niveau de l’UE”.
La France a pour sa part indiqué avoir appris l’information “avec une très forte préoccupation”, appelant “à sa libération immédiate”, tandis qu’Ottawa a jugé cette arrestation “inacceptable”.
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova a rétorqué via Facebook, demandant aux responsables étrangers de “respecter le droit international” et de “se mêler de leurs propres problèmes”.
Navalny est aussi visé depuis fin décembre par une nouvelle enquête pour fraude, soupçonné d’avoir dépensé pour son usage personnel 356 millions de roubles (3,9 millions d’euros) de dons.
Devant à l’origine atterrir à l’aéroport Vnoukovo de Moscou, l’avion transportant l’opposant a été dérouté à la dernière minute vers celui de Cheremetievo.
En montant à bord, Alexeï Navalny s’était dit “très heureux” de rentrer et avait assuré “n’avoir rien à craindre en Russie”. “Je suis certain que tout va bien se passer. On va m’arrêter? Ce n’est pas possible, je suis innocent”, avait-il lancé.
“Prisonnier de conscience”
A l’aéroport Vnoukovo, la plupart de ses alliés venus l’accueillir ont été interpellés par la police - dont Lioubov Sobol, figure montante de l’opposition russe - avant d’être relâchés quelques heures plus tard.
Selon l’ONG spécialisée OVD-Info, 65 personnes au total ont été interpellées dimanche à Moscou et Saint-Pétersbourg en lien avec le retour de M. Navalny.
L’ONG Amnesty International a estimé que l’arrestation d’Alexeï Navalny en faisait un “prisonnier de conscience” victime d’une “campagne implacable” des autorités russes visant à “le faire taire”.
Le chef de file de l’opposition russe était subitement tombé dans le coma en août, alors qu’il revenait d’une tournée électorale en Sibérie. D’abord hospitalisé à Omsk, il avait finalement été évacué vers un hôpital berlinois sous la pression de ses proches.
Seuls 20% des Russes approuvent ses actions
Trois laboratoires européens ont depuis conclu que l’opposant avait été empoisonné par un agent innervant de type Novitchok, développé à l’époque soviétique à des fins militaires, conclusion confirmée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) malgré les dénégations de Moscou.
L’opposant accuse les services spéciaux russes (FSB) d’avoir tenté de l’assassiner sur l’ordre direct du président russe Vladimir Poutine.
Les autorités russes ont systématiquement refusé d’ouvrir une enquête. Moscou a confirmé dimanche avoir reçu des documents au sujet de M. Navalny de la part de l’Allemagne, mais assuré qu’ils “ne comportaient essentiellement rien” de ce que la Russie voulait.
S’il est largement ignoré des médias nationaux, non représenté au Parlement et inéligible, Alexeï Navalny reste la principale voix de l’opposition russe, en partie grâce à sa chaîne YouTube aux 4,8 millions d’abonnés et son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), dénonçant la corruption des élites.
Malgré les perquisitions, les pressions et les condamnations à de courtes détentions visant régulièrement M. Navalny ou ses alliés, il a réussi à organiser plusieurs manifestations très suivies ces dernières années, et des revers embarrassants pour le pouvoir lors de scrutins locaux.
Sa notoriété reste toutefois limitée en dehors des grandes agglomérations, un sondage du centre indépendant Levada en septembre révélant ainsi que seulement 20% des Russes approuvaient ses actions.
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