Belgique

Covid-19 : la fermeture des frontières belges serait-elle une option ?

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Par Jean-François Noulet

Face à l’épidémie de Covid-19 et avec l’arrivée de variants du virus, comme le variant britannique ou la variant Sud-Africain, quelles sont les mesures supplémentaires que pourrait prendre la Belgique pour enrayer la propagation de l’épidémie sur le territoire ? La fermeture des frontières est-elle une option ? Serait-elle praticable ?

Lors de la première vague, certains pays européens ont fermé leurs frontières

Au printemps 2020, lorsque l’épidémie de Coronavirus frappe l’Europe, les Etats membres de l’Union européenne ont souvent pris des mesures de confinement plus ou moins strictes selon les pays. 

Ce fut le cas en Italie, en France, en Espagne et aussi en Belgique. Dans certains cas, des pays ont décidé de fermer leurs frontières. La frontière franco-allemande avait été fermée, sauf pour les travailleurs transfrontaliers. 

La Belgique avait aussi connu une fermeture de frontière partielle. Plus récemment, en septembre, la Hongrie avait décidé de fermer ses frontières, seuls les résidents en Hongrie pouvaient la franchir.

Un État membre de l’Union européenne a donc le droit de fermer ses frontières

Depuis la création de l’Espace Schengen, l’Union européenne est un grand territoire où la libre circulation est garantie. Les frontières de cet espace sont des frontières extérieures. Les frontières entre les pays qui constituent cet espace ont été abolies.

Néanmoins, des Etats peuvent refermer leurs frontières nationales. C’est prévu par le "Code frontières Schengen" qui autorise d’une manière strictement encadrée un état à fermer ses frontières. Les causes de cette fermeture et la durée de celle-ci sont définies. "Ce sont les articles 23 et suivants. L’article 23 nous dit que s’il y a des menaces graves pour l’ordre public et la sécurité intérieure, un Etat peut réintroduire le contrôle à ses frontières pour une période maximale de 30 jours ou pour la durée prévisible de la menace grave, si elle est supérieure à 30 jours", explique Sylvie Sarolea, Professeur de Droit international et de Droit des migrations à l’UCLouvain. "Il faut que la mesure soit strictement nécessaire en réponse à la menace grave", poursuit Sylvie Sarolea.

Un Etat qui décide de rétablir les contrôles aux frontières intérieures ne peut le décider sans en informer les autres Etats membres de l’Union européenne et la Commission européenne. "Il doit expliquer ce qu’il passe, justifier, par exemple ici une pandémie. Il doit expliquer où il va réintroduire les contrôles, mais aussi expliquer où il y a des points de passage autorisés. Il n’est pas question que tout puisse être fermé", précise Sylvie Sarolea, de l’UCLouvain. 

Le "Code frontières Schengen" a aussi pour but que les Etats ne prennent pas ce genre de mesures de manière désordonnée. La Commission européenne a le soin de coordonner les mesures s’il y en a dans plusieurs états.

Les Etats de l’Union européenne se sont engagés à ne pas fermer leurs frontières

En octobre, alors que la deuxième vague de l’épidémie se développait en Europe, les Etats membres de l’Union européenne ont étudié la question de la fermeture des frontières nationales. Lors du Conseil européen du 29 octobre, les Vingt-sept États membres se sont engagés à maintenir les frontières ouvertes à l’intérieur de l’Europe.

Que vaut cet engagement ? C’est un accord politique. Il n’est pas contraignant. Du point de vue juridique, rien n’empêcherait donc un Etat de décider de fermer ses frontières. Ce n’est donc pas parce que les Etats membres se sont engagés fin octobre à laisser les frontières intérieures ouvertes qu’aucune nouvelle fermeture n’aura lieu. 

"Rien n’empêcherait que cette idée de fermeture refasse surface pour des durées limitées. Légalement, c’est possible", explique Sylvie Sarolea, Professeur de Droit international et de Droit des migrations à l’UCLouvain. Les mesures de fermeture d’une frontière intérieure doivent aussi être prises de manière proportionnelle par rapport à la menace.

 Il faudrait, par exemple, des circonstances nécessitant une action urgente. "Ce serait difficile à justifier ici, puisque cela fait des mois qu’on sait que la menace est là, même si la survenance des nouveaux variants, s’il y avait un pic dans un Etat pourrait éventuellement nécessiter une action urgente pour isoler un Etat", estime Sylvie Sarolea.

Dans le cas de la Belgique, fermer les frontières serait difficile

Juridiquement, c’est donc possible d’envisager une fermeture des frontières d’un Etat. Reste à voir, du point de vue politique, si cela aurait du sens de fermer une frontière, alors que l’épidémie peut être aussi importante de part et d’autre d’une frontière… C’est au pouvoir politique de trancher, conseillé éventuellement par des experts scientifiques.

Mercredi, lors de l’émission " A votre avis ", sur la Une, la question de la fermeture des frontières belges avait été évoquée. Serait-elle une réponse à la propagation de l’épidémie ? Les avis convergeaient pour dire que la fermeture pure et dure des frontières serait difficilement réalisable. On peut déconseiller aux Belges de voyager à l’étranger. En revanche, la Belgique étant un petit pays, au cœur de l’Europe, il serait illusoire de stopper toute entrée sur le territoire. 

Chaque jour, énormément de poids lourds transitent par la Belgique. Il y a aussi une grande activité économique transfrontalière qu’on ne saura empêcher. Des Belges se rendent en France, en Allemagne, au Luxembourg ou aux Pays-Bas pour travailler et des ressortissants de ces pays traversent aussi la frontière pour venir travailler en Belgique. Impossible donc d’imaginer des frontières imperméables au virus.

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