"Face à la crise, on a l'impression que le gouvernement ne sait pas où il va"
- Publié le 01-04-2020 à 08h54
- Mis à jour le 01-04-2020 à 10h15
Jeudi 23 janvier. Pour la première fois, une députée interpelle à la Chambre la ministre de la Santé, Maggie De Block (Open VLD), sur la propagation du coronavirus en Chine, foyer originel de la pandémie. C’est Catherine Fonck, la cheffe de file fédérale du CDH, qui est à la manœuvre. "La vitesse de réaction face à ce type de crise est cruciale car c’est grâce à elle que l’on pourra parvenir à contrôler la situation", professe-t-elle. Mme Fonck, deux mois plus tard, quel est le premier bilan que vous tirez de la gestion de la crise par le gouvernement fédéral ?
La gestion d’une pandémie, c’est difficile. Le virus se propage à toute vitesse, il est agressif pour une partie de la population. Ça représente le risque le plus élevé en termes de catastrophes mondiales.
Mais… ?
Mais il n’a échappé à personne que le gouvernement a longtemps minimisé le problème. Maggie De Block a d’abord parlé d’une grippette… Si l’on remonte au Carnaval, on peut se demander pourquoi on n’a pas demandé un confinement de quinze jours à tous ceux qui rentraient de vacances, notamment des Alpes françaises ou d’Italie où l’on savait que le virus circulait. Il y a aussi le volet logistique : la lenteur pour commander les masques et le matériel de protection, la coordination entre les niveaux de pouvoir… Pourquoi, encore, n’y a-t-il pas eu de dépistage massif dès le début ? Etc.
Certains observateurs jugent que, en temps normal, la ministre de la Santé aurait été poussée à la démission. Est-ce votre avis ?
Oui, elle aurait sans doute dû démissionner et on aurait sans doute eu une commission d’enquête parlementaire. Mais l’heure est à l’unité. Toutes ces questions sont importantes, il faudra un jour en faire l’analyse, mais l’urgence, c’est de sauver des vies. On doit tous être mobilisés derrière ce seul objectif. Et cela implique de pouvoir mettre la pression sur le gouvernement pour l’amener à être plus efficace, à mieux anticiper les événements, notamment le "déconfinement" lors duquel il faudra éviter un rebond du virus. Nous devons aussi attirer son attention sur les mesures qui ont le mieux fonctionné dans les autres pays, comme en Allemagne ou en Corée du Sud.
À quelles mesures pensez-vous ?
Il y a deux leviers d’action contre le virus. Le premier, ce sont les mesures barrières, comme le confinement et le lavage des mains. Le second, c’est le dépistage massif afin de tester, tracer et isoler les personnes positives. On est face à un virus qui se propage très vite. L’enjeu est de diminuer sa capacité de dispersion. On a besoin des deux leviers. On l’a vu à l’étranger. Mais, en Belgique, on n’a pas effectué de dépistage massif dès le début. Pourquoi ? Il faudra analyser cela en détail plus tard, mais il faut aussi pouvoir en tirer des leçons tout de suite. Qu’il s’agisse du dépistage massif, du matériel de protection, des médicaments, il est temps d’y voir clair… On a l’impression que le gouvernement ne sait pas où il va. Une task force a été mise en place il y a une dizaine de jours, c’est bien. Mais, maintenant, il faut du concret. On n’a jamais entendu le ministre Philippe De Backer (en charge de la gestion du matériel de protection, NdlR) dire de manière claire : "Il nous faut autant de masques".
Qu’attendez-vous du gouvernement ?
Soit on peut avoir des garanties absolues sur le matériel dont on va disposer à très brève échéance et dans les semaines à venir. Soit on doit mettre en route une production propre de ces biens. Pour le moment, on est terriblement dépendants de la Chine. Et on nous dit que le marché international est tendu. OK, dans ce cas, on active le plan B. La crise que nous traversons doit être l’occasion de relancer une production en Belgique sur laquelle on aura des garanties en termes de qualité.
Et c’est possible, cela, à très court terme ?
J’entends des petites entreprises nous dire qu’elles sont prêtes, qu’on peut y aller. Il y a l’Université de Namur qui a trouvé un moyen de multiplier les tests de dépistage, il y a des initiatives locales pour confectionner des masques de protection en plexiglas… Les solutions viennent du terrain. Et c’est positif pour notre économie et pour la recherche.
Vendredi dernier, le Conseil national de sécurité a décidé de prolonger les mesures de confinement jusqu’au 19 avril, mais sans les durcir. Faut-il réduire la liste des entreprises jugées essentielles au fonctionnement de la société, comme le veulent les syndicats ?
Qu’est-ce qu’une entreprise essentielle ? Difficile à dire. Il y a le secteur de la santé, bien sûr, mais, dans la logistique, certaines fonctions sont également essentielles pour fournir le matériel médical… Si les entreprises respectent l’isolement de leurs travailleurs, il n’est pas nécessaire qu’elles ferment. Par contre, ce qui est important, c’est que les règles soient respectées. Le gouvernement doit augmenter en urgence le nombre d’inspecteurs. Enfin, le personnel des secteurs essentiels doit être valorisé à sa juste mesure, par exemple par une prime défiscalisée - le gouvernement doit faire un geste - ou des jours de congés supplémentaires qui pourraient être pris plus tard. L’idée, c’est de valoriser et garder la motivation d’un personnel qui continue à être au front.