Formation fédérale: quel pouvoir a vraiment le Roi ?
Pour Caroline Sagesser, du Crisp, "le rôle du Roi est l’angle mort de notre démocratie".
- Publié le 25-01-2020 à 11h44
- Mis à jour le 31-01-2020 à 09h53
Pour Caroline Sagesser, du Crisp, "le rôle du Roi est l’angle mort de notre démocratie". Le Roi règne mais ne gouverne pas. Sans pouvoir ? Loin s’en faut en ces temps de crise gouvernementale. Depuis les élections, le roi Philippe a reçu à de multiples reprises les représentants des différents partis, nommé des informateurs, des préformateurs, etc. Décide-t-il réellement de la marche à suivre et des personnes à nommer ? "C’est l’angle mort de notre démocratie", résume Caroline Sagesser, politologue au Crisp. "Quand on parle du Roi, dans l a presse, on accrédite l’idée que c’est lui qui prend les décisions. Or, derrière lui, il y a le Palais et une équipe administrative, un chef de cabinet. Le Palais communique sur ses missions caritatives, mais très peu sur le rôle politique du Roi. Le rôle politique de la monarchie est un sujet très peu remis en cause."
L’intervention royale dans la formation d’un gouvernement bénéficie d’une approbation très large, du moins côté francophone. "Heureusement que le Roi est là. Il est un peu le seul à se soucier de l’intérêt du pays alors que les présidents de parti regardent leur formation politique", nous glisse un poids lourd francophone.
Le roi Philippe est vu comme professionnel dans son approche et consciencieux. Les différents politiques contactés qui ont travaillé avec lui sont formels : le rôle du Roi en la matière n’a rien de protocolaire.
"De mon expérience, les présidents de parti essayent toujours d’influencer le Roi pour que leur formation politique trouve un avantage dans la désignation de tel ou tel informateur ou formateur", se souvient Gérard Deprez, président du PSC de 1981 à 1996. "De son côté, le Palais doit faire des choix en tenant en compte les éléments objectifs : résultats des élections, veto des uns et des autres, informations qu’il récolte. Le Roi bénéficie d’une marge d’appréciation. C’est une partie dans laquelle il faut se montrer subtil. Le roi Philippe n’en a pas manqué jusqu’ici."
Mais peut-il aller contre l’avis des différents partis ? "Les interlocuteurs politiques du Roi lui indiquent toujours les limites de chaque scénario. Il ne prend pas de décisions arbitraires. Mais il n’est pas totalement contraint."
La décision qu’il prendra, concernant Bart De Wever, sera à ce titre très éclairante.
"Le colloque singulier avec le Roi doit être préservé. Ce qui se dit dans son bureau y reste", nous indique André Flahaut, médiateur fédéral lors de la crise de 2010. "Le Roi me rencontrait seul, souvent à Laeken, parfois à Ciergnon, sur base des notes préparées par son entourage, puis il débriefait avec son équipe. Le Roi centralise vraiment les informations de tous les partis. Le Palais est un lieu de convergence total. Sur base de toutes les informations qu’il récolte et des contacts informels, le Roi décide."