Haro sur les quotas linguistiques à l’école flamande de Bruxelles: "La mesure est disproportionnée"
Les francophones introduisent un recours contre les priorités données aux parents qui maîtrisent le néerlandais.
- Publié le 24-01-2020 à 12h16
- Mis à jour le 24-01-2020 à 12h18
Les francophones introduisent un recours contre les priorités données aux parents qui maîtrisent le néerlandais.
Depuis 2012, les écoles flamandes fondamentales et secondaires situées à Bruxelles réservaient déjà 55 % de leurs places aux élèves dont au moins un des deux parents maîtrise le néerlandais - la preuve étant apportée par une copie d’un diplôme décroché dans l’enseignement flamand ou par la réussite d’un test linguistique. En mai dernier, la Communauté flamande a choisi de durcir encore le ton en adoptant un décret qui a fait passer ce quota à 65 % des places réservées. En outre, pour le secondaire, 15 % supplémentaires des places sont destinées aux élèves qui ont déjà suivi neuf ans dans l’enseignement fondamental en néerlandais.
Le succès des écoles flamandes auprès d’élèves qui ne parlent pas ou peu le néerlandais à la maison n’est plus à démontrer. "Seulement ces différents quotas rendent purement théorique le libre choix des parents quant à la langue d’enseignement de leurs enfants dans l’arrondissement de Bruxelles-Capitale", constate le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Celui-ci, ainsi que le collège de la Cocof (la Commission communautaire française de Bruxelles), ont dès lors décidé d’introduire une requête en annulation devant la Cour constitutionnelle à l’encontre du décret concerné. Barbara Trachte (Écolo) est ministre-présidente du collège de la Cocof. Elle ne cache pas son énervement devant la manœuvre flamande.
"La mesure est disproportionnée par rapport à l’objectif que l’on souhaite atteindre, déclare-t-elle. À Bruxelles, on est en train de faire le contraire de ce qu’il faudrait. On devrait travailler ensemble à accueillir au mieux tous les élèves, qu’ils soient francophones, néerlandophones ou quelle que soit leur langue maternelle. Profiter des avantages de Bruxelles, relever ensemble le défi du bilinguisme, car nous avons un vrai défi d’émancipation de la population bruxelloise. Au lieu de cela, on inscrit les Bruxellois dans une trajectoire unilingue contre-productive !" Et de souligner qu’à Bruxelles, "les institutions ont une couleur linguistique, pas les gens. Les Bruxellois ne sont pas tenus de se définir linguistiquement."
Le texte n’est pas suspendu
Ce nouvel épisode est une page de plus dans un long bras de fer. Déjà en 2010, lors de l’adoption des premiers quotas (55 %), la Cour constitutionnelle avait eu à se prononcer sur semblable recours. "À l’époque, elle n’avait pas annulé le décret, tout en estimant qu’il ne faudrait pas aller plus loin…", rappelle Barbara Trachte. Début 2019, Cocof et Fédération Wallonie-Bruxelles ont déjà déclenché une procédure en conflit d’intérêts qui avait bloqué le nouveau texte rehaussant les pourcentages. Le contexte électoral ne facilitant rien, la tentative de conciliation avait échoué. Le décret avait donc finalement été adopté en mai. Un recours était possible jusqu’au 27 janvier. Précision : la requête ne suspend pas le texte.
"L’histoire d’un succès"
"Au début des années 70, l’enseignement primaire néerlandophone à Bruxelles se portait très mal, se souvient Guido Fonteyn dans le dossier qu’il consacre à l’enseignement flamand sur le site bruselo.be, sous le titre L’Histoire d’un succès. Le nombre d’élèves baissait si vite que ce recul ressemblait à une chute libre. On évoquait publiquement sa mort." En cinquante ans, l’enseignement flamand à Bruxelles a effectué une remontée fulgurante grâce à une série de plans d’action successifs et, surtout, au recrutement actif d’élèves non néerlandophones. Revers de la médaille, selon les autorités flamandes : entre la fin des années 1970 et les années 2010, la proportion d’élèves ne parlant pas néerlandais à la maison et inscrits dans les écoles flamandes de Bruxelles est passée de 4 à 63,2 %! Dernier chiffre avancé concernant en particulier l’inscription des élèves francophones dans l’ensemble des écoles de l’enseignement flamand : ils étaient 23 113 élèves en 2010. À la fin 2018, on en comptait 32 321.