Chroniques

In memoriam l'hôpital égalitaire

La grande maladie du système de santé

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Par Bertrand Henne - Les coulisses du pouvoir

Est-on mieux soigné selon que l’on soit riche ou pauvre ? La question est ancienne, mais la réponse est en train lentement de changer en Belgique. Petit à petit le système de santé égalitaire passe de la réalité au mythe. Certaines statistiques permettent d’observer ce glissement. Mais les témoignages directs sont parfois plus efficaces. Voici ce qu’à vécu Koen Hermans, professeur de politique sociale à la KU Leuven. Il raconte sur Twitter et dans le Standaard. Il prend rendez-vous à l’Hôpital universitaire de Leuven et voici ce qu’on lui dit : "Une consultation normale est possible à partir du 31 mars. Mais si vous payez 50 euros de plus, vous pouvez déjà obtenir un rendez-vous mi-février. Et vous êtes sûr que vous verrez un professeur au lieu d’un assistant médical.”

Voilà qui surprend Koen Hermans. Payer un supplément pour accélérer une prise de rendez-vous, ou pour voir un professeur plutôt qu’un assistant, voilà qui serait a la limite de la légalité.

Un hasard ?

L’hôpital de Leuven se défend. Il confirme cette différence de prix par le fait que certains spécialistes ne sont pas conventionnés et demandent plus que d’autres. Pas question de payer pour des soins de meilleure qualité. Pas question non plus d’accélérer le rendez-vous. C’est un hasard. Dans la plupart des cas, dit l’hôpital, c’est l’inverse, une prise de rendez-vous avec un professeur réputé est plus tardive qu’avec un assistant.

Pourtant, UZ de Leuven avait déjà défrayé la chronique il y a deux ans avec une histoire similaire. L’hôpital avait envoyé une lettre où il proposait à un patient le choix de se faire opérer par un assistant ou par le spécialiste. Dans ce cas il devait payer la chambre individuelle avec suppléments. L’affaire avait fait grand bruit en Flandre et poussé les hôpitaux à resserrer leurs pratiques.

Deux vitesses

Il est évident que le cas de Koen Hermans est médiatisé aujourd’hui car il est professeur de droit social et qu’il a accès aisément aux grands médias. Mais il est fort probable que la plupart des cas de ce qu’on pourrait appeler la relégation médicale ou la ségrégation médicale nous restent inconnus. Or, si les hôpitaux agissent de la sorte c’est parce qu’ils sont soumis à des contraintes fortes. Des contraintes budgétaires bien sûr et des contraintes liées à l’offre médicale parfois insuffisante. Certains spécialistes sont en position de force face aux hôpitaux dans la négociation de leurs tarifs.

Résultat, les suppléments d’honoraires pour les hospitalisations en chambres individuelles ne cessent d’augmenter, à un rythme moyen de 3% par an. C’est beaucoup plus rapide que la moyenne des soins remboursés par l’INAMI. Selon l’OCDE, la Belgique se situe derrière la Grèce au deuxième rang des pays développé ou la part de patients dans les soins hospitaliers est la plus élevée.

Il n'y a pas mille manière de le dire : notre système de soins se privatise lentement. Théoriquement les assurances complémentaires offrent plus de confort à ceux qui en ont les moyens. Elles sont présentées comme anodines. Mais c’est faux. C’est un système insidieux.

Scission des soins de santé ?

La gestion des soins de santé c’est aussi un enjeu de la négociation en cours au fédéral. Récemment le VOKA, le patronat flamand a proposé de régionaliser les soins de santé. C’est aussi une demande récurrente des nationalistes. Il faut dire que ce qui concerne le financement des infrastructures est déjà régionalisé.

Pour ceux qui se demandent où une scission pourrait nous mener signalons simplement que, contrairement à ce que pourrait laisser penser cette histoire du l’UZ Leuven, les suppléments d’honoraires sont plus élevés à Bruxelles et en Wallonie qu’en Flandre. Et pas un peu. Selon l’agence intermutualiste 1 séjour sur 20 à Bruxelles débouche sur des suppléments d’honoraires de plus de 5000 euros. En Flandre c’est 5 fois moins.

Nous sommes de moins en moins égaux devant la santé, et surtout face à l’hôpital. Et, sauf réaction urgente et résolue du fédéral, ce n’est pas près de s’arrêter.

 

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