Tsai Ing-wen, la présidente "indépendantiste", triomphalement réélue à Taiwan
- Publié le 11-01-2020 à 17h27
- Mis à jour le 12-01-2020 à 22h53
Ce succès est un coup dur pour Pékin et son projet de réunification nationale.
Les autorités chinoises ont une raison de plus de maudire la crise politique qui s’éternise à Hong Kong : elle est largement responsable de la victoire écrasante remportée samedi par Tsai Ing-wen, reconduite pour quatre ans à la présidence de Taiwan avec 57,1 % des voix, un score qui est même légèrement supérieur aux 56 % qu’elle avait recueillis en janvier 2016. Cela signifie que les relations entre Pékin et Taipei ne sont a priori pas près de s’améliorer, et que le projet de réunification nationale si cher au Parti communiste chinois est voué à demeurer un rêve lointain.
Il y a un peu plus d’un an, rares sont ceux qui auraient envisagé un second mandat pour Mme Tsai, encore moins une reconduction triomphale. Le 24 novembre 2018, la formation politique de la Présidente, le Parti démocratique progressiste (DPP), volontiers qualifié d’indépendantiste parce qu’il est historiquement opposé à la réunification de Taiwan avec la Chine, avait essuyé une lourde défaite aux élections locales. Le DPP avait perdu sept des dix-neuf municipalités et districts qu’il contrôlait, y compris la mairie de Kaohsiung (la deuxième ville de l’île et un bastion "indépendantiste"), remportée par Han Kuo-yu, le candidat du Kuomintang (KMT) qui allait devenir l’adversaire de Tsai Ing-wen à la présidentielle.
La première présidente de Taiwan
Assumant la responsabilité de cette déroute électorale, Mme Tsai avait abandonné la présidence du DPP et d’aucuns prédisaient la fin de sa carrière politique. À 63 ans, celle qui est devenue la première femme à diriger Taiwan a donc pris une superbe revanche, non seulement en réussissant à se maintenir au pouvoir, mais en le faisant avec panache. Elle a de nouveau infligé un revers cuisant au KMT, Han Kuo-yu n’obtenant que 38,6 % des suffrages en dépit d’une campagne aux accents populistes. Déjà, en 2016, Mme Tsai avait fait sensation avec ses 56 %, bien plus que les 40 % qui constituaient le fonds électoral du DPP depuis sa fondation dans les années 1980.
Une victoire avec près de vingt points d’écart fait aujourd’hui du DPP un parti définitivement établi et ancre l’alternance dans la vie politique de l’ancienne Formose : après le règne sans partage du KMT jusqu’en 2000, le DPP avait gouverné l’île pendant huit ans, puis le KMT avait repris le pouvoir jusqu’en 2016, avant de le remettre une fois de plus au DPP.
Une majorité parlementaire conservée
Le DPP a réussi, dans la foulée, à conserver la majorité parlementaire qu’il avait conquise pour la première fois en 2016, bien qu’il ait perdu sept sièges pour n’en garder que 61 sur 113. Le KMT, de son côté, en gagne trois pour un total de 38, mais lui qui était jadis tout-puissant reste donc minoritaire. Le principal enseignement du scrutin législatif qui doublait la présidentielle est l’émergence du Parti populaire de Taiwan (TPP) qui, avec cinq sièges, devient la troisième force de l’île, cinq mois à peine après sa fondation par le maire de Taipei, Ko Wen-je. Ce dernier entend proposer ainsi une troisième voie entre KMT et DPP.
Plus de huit millions d’électeurs n’auront donc pas fait grief à Tsai Ing-wen d’un bilan en demi-teinte. En dépit de l’hostilité de Pékin envers elle (un handicap considérable sachant à quel point l’économie taïwanaise dépend du marché chinois), elle a réussi à porter la croissance à 2,5 %, une performance plus qu’enviable qui ne fait, toutefois, pas oublier des enjeux sociaux et environnementaux moins bien rencontrés. Ils ne lui font pas davantage reproche d’un isolement accru sur la scène internationale : pendant son premier mandat, la Présidente a vu l’île perdre un tiers de ses ultimes alliés diplomatiques, un dernier carré qui est passé de vingt-deux à quinze États seulement - la Chine imposant aux pays qui veulent la reconnaître de rompre leurs relations avec Taiwan.
L’impact de la crise à Hong Kong
Ces électeurs ont manifestement préféré considérer que Taiwan avait malgré tout davantage à gagner en gardant ses distances à l’égard de Pékin, et en rejetant, par conséquent, les propositions de rapprochement avec la Chine préconisées par Han Kuo-yu et le Kuomintang. Si les Taïwanais pouvaient entretenir des doutes à ce sujet, aussi bien la situation à Hong Kong, où les aspirations démocratiques sont brutalement étouffées, que l’impitoyable répression des Ouïghours au Xinjiang, qui témoigne d’un mépris grandissant pour les droits humains, les auront incontestablement guidés dans leur choix.